Chapitre 7 - Ashley

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Je répondais au baiser de Jack avec une ardeur qui m'était jusque-là totalement inconnue. Dans mes souvenirs, jamais je n'avais embrassé Grégory le vétérinaire ainsi. Mes doigts glissèrent le long de sa chevelure pour s'attarder sur sa nuque et plaquer mon corps contre le sien. J'en voulais plus. Plus de Jack. Plus de ses lèvres sur mon cou. Plus de ses mains caressant ma peau brûlante à travers mon t-shirt. Après ma tentative avec le vétérinaire, j'avais tout simplement renoncé à avoir une quelconque intimité avec qui que ce soit car c'était, à mon sens, une perte de temps. Durant la période où lui et moi nous nous fréquentions, ses baisers et ses caresses n'avaient rien éveillé en moi. Alors que sous les caresses de Jack, je fondais totalement. Tous mes sens étaient en alerte, comme s'ils venaient de se réveiller après plusieurs années de sommeil. Chacune des cellules de mon corps prenait vie pour se consumer dans un flot de plaisir. Si je devais le comparer physiquement à Grégory, eh bien je dirais qu'ils étaient grands tous les deux et la comparaison s'arrêtait là. Jack avait cette assurance en lui comme si les quatre éléments, la terre, l'air, l'eau et le feu lui appartenaient. Chacun de ses gestes, de ses décisions reflétaient son aisance, sans aucune équivoque il donnait cette impression que rien ne pouvait l'ébranler. Sauf toi, Ashley, quand tu lui as rappelé le décès de son père.

Les lèvres de Jack descendirent le long de mon cou pour ensuite remonter vers le lobe de mon oreille et le mordiller. Sa respiration était tout aussi saccadée que la mienne. Des picotements se nichèrent au creux de mes reins et une douce chaleur se répandit au niveau de mon intimité. Ma tête tomba en arrière et mes paupières se firent lourdes. Décidément, mon corps n'était pas sage aujourd'hui et tout cela était uniquement la faute de Jack. Il murmurait à mon oreille. Sa voix grave me fit l'effet d'une gifle, elle réveilla quelque chose de caché au plus profond de mon être, quelque chose que je ne voulais pas voir surgir, pour laquelle je n'étais pas prête.

— Allons le boire ce verre, l'entendis-je me souffler.

J'étais en haute mer. Seule sur un radeau rudimentaire, sans aucune bouée de sauvetage, aucune corde, aucune rame. J'étais juste là, livrée à moi-même. Au ciel qui s'obscurcissait au loin et au vent qui soufflait, provoquant l'émergence de vagues de plus en plus hautes, je savais qu'une tempête se préparait. Je devais faire demi-tour pour m'éloigner au plus vite car, si je continuais dans cette direction, j'allais tout simplement me faire happer sans possibilité de reprendre le contrôle du radeau. Ce moment d'intimité partagé avec Jack, je devais y mettre fin et ne plus jamais croiser son chemin. Il me fallait tout arrêter avant qu'il ne réveille de façon irréversible ce que j'avais pris soin d'enfouir depuis si longtemps. Cette prise de conscience eut l'effet d'une douche froide et le retour à la réalité fut franchement brutal. Je posai mes deux mains sur son torse, ses muscles étaient tendus et je pouvais sentir les battements de son cœur. Son regard était voilé par le désir et par autre chose que je n'arrivai pas tout de suite à déchiffrer...Oh non ! Il était aussi perdu que moi. Lui non plus ne s'attendait pas à une telle étreinte. Rapidement, Ashley, mets-y fin!

D'un pas, je reculai pour mettre plus de distance entre nous et lui faire face afin qu'il n'y ait aucune ambigüité dans mes propos. À sa mâchoire qui se contracta, il comprenait que le moment était passé et que la faiblesse dont je venais de faire preuve en répondant à son baiser n'était qu'un égarement. Si mon passé m'avait bien appris une chose, c'était à taire mes émotions, et à force de désillusions, j'étais devenue experte en la matière. En sus, Jack ne devait pas savoir ce qu'il avait éveillé en moi.

— À toutes les filles qui souhaitent s'excuser pour avoir été un tant soit peu honnête avec toi, tu introduis ta langue dans leur bouche?

Le rappel de notre échange houleux devant le centre Saint-Jean était certes un coup bas, mais c'était ma meilleure arme.

— C'est quoi ton problème, Ashley? Sérieusement. Il y a quelques secondes tu ne me donnais pas l'impression de ne pas apprécier mon baiser, vu la frénésie avec laquelle tu y as répondu.

Sur ce coup-là, il marquait un point, je ne pouvais pas le nier, mais il m'était interdit de l'admettre au risque de conduire ma propre perte. D'un geste de la main, j'intimai qu'il me laisse finir.

— Tu veux vraiment savoir quel est mon problème, Jack ? C'est simple, c'est toi. Toute cette journée a été merdique dès lors que je t'ai rencontré. Et ensuite, je me suis laissée attendrir par ton petit couplet sur ton père. Mais je vois clair dans ton jeu.

La mâchoire de Jack se contracta un peu plus et une veine se mit à battre le long de sa nuque. Quant aux jointures de ses mains, elles devinrent livides tant il serrait ses poings.

— Catherine saura bientôt qui tu es vraiment, j'y veillerai, crois-moi. Tu as dû l'embobiner avec ton beau discours et tes belles manières. Je suis persuadée que tu lui as rappelé l'époque où la famille HUNTER venait la bouche en cœur apporter son aide à tous ces malheureux et quoi de mieux que la date d'anniversaire de papa pour faire acte de ce geste de bonté.

Il allait me détester, autant, voir plus que je ne me répugnais en ce moment, mais de ce monologue dépendait ma survie. Alors, les mots sortaient tous seuls. Ils étaient durs et cruels. Un subterfuge pour arriver à mes fins. Le blesser pour l'éloigner définitivement de moi.

— Arrête ça de suite, Ashley, tu vas trop loin!

À son regard brûlant, j'étais sur la bonne voie. J'eus l'impression que s'il pouvait me coller une main au visage, il le ferait. Mais il n'y avait pas de retour en arrière possible. Jack était trop dangereux pour moi, il avait la clé pour ouvrir une porte que j'avais fermée à double tour depuis trop d'années et je ne tenais pas à l'ouvrir. Pas même pour lui ! Le coeur lourd, j'assénai le coup de grâce.

— Et puis, Jack, pour la prochaine fois, petit conseil si tu veux être si charitable, pour soulager ta conscience de je ne sais quelle rancœur ou désillusion que tu n'as pu régler avec ton père avant son décès, envoie juste un chèque. Évite-toi le déplacement!

Son visage était cramoisi, renvoyant un profond dégoût pour ma personne.

— Va te faire foutre, Ashley!

Sur ces belles paroles, Jack me tourna le dos et s'éloigna. Bientôt, il ne serait plus qu'un moment fugace de ma vie, relégué très profondément dans ma mémoire pour me convaincre qu'il n'avait jamais existé. Je ne bougeai pas. Je le suivis du regard jusqu'à ce qu'il entre dans l'établissement de son ami. Et puis je le sentis, cet étau au fond de ma poitrine, cet immense chagrin me prenant aux tripes. Mais pas d'inquiétude, je saurais taire ces sentiments comme je l'avais fait quand, à l'âge de huit ans, je m'étais vue confiée à ma première famille d'accueil. Après tout, n'y avais-je pas survécu ?

L'espace d'un instant, Jack avait manqué d'ébranler mes murailles. Heureusement, je m'étais reprise à temps et dès demain, je reprendrai l'existence que je m'étais choisie. Je retournerai auprès des seules personnes qui m'aidaient à garder l'équilibre : Catherine, Claire , Hurl et mes patients.

Notre valse en trois temps - tome 1 - Les secretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant