Les mots de Jack s'insinuaient lentement. Pas comme ça ! Comme un poison, ils pénétraient dans mes veines, me faisant sentir la brûlure de ma propre faiblesse. Pas comme ça! Qu'avais-je fait ? Mon cerveau reprenait pleinement ses fonctions. L'abandon avec lequel je venais de m'offrir à Jack me revenait de plein fouet au visage. Le retour à la réalité était plutôt douloureux. Non ! En fait, il l'était carrément. L'intensité de son désir illuminait l'iris bleu de ses yeux d'éclats dorés que je voyais pour la première fois. Tout comme ma respiration, la sienne était saccadée. Mais à contrario, la mienne n'évoquait pas le souvenir déjà lointain à mes yeux de notre étreinte. Non ! Juste l'horreur des émotions que Jack avait éveillées en moi. Ses mains me maintenaient à bonne distance de son corps, là où il y avait encore quelques secondes elles électrifiaient ma peau. Une rage sourde m'envahissait. Comme une pauvre idiote, j'avais perdu pied, emportée par mes émois. Garder la maîtrise, ne rien laisser transparaître, voilà ma conception des relations avec la gent masculine et d'un claquement de doigts je venais de balayer mes propres règles. Toujours à califourchon sur ses cuisses, ma poitrine nue exposée à sa vue, je vivais la pire humiliation de ma vie. Maudits rêves érotiques ! Je jetai un coup d'œil à la recherche de mon soutien-gorge et de ma chemise. Je couvris ma poitrine de mes mains et retournai m'installer sur le siège passager la tête haute. Il était hors de question que je lui montre à quel point je me sentais désemparée.
Et Merde! Je venais de me jeter à corps perdu dans les bras de Jack. Cet homme que je connaissais tout juste et que je devais maintenir à bonne distance de mon existence. Mais ça encore j'arrivais à l'assumer. Non, le pire dans tout cela est que je venais de le supplier de coucher avec moi et qu'il m'avait tout bonnement rejetée. Et merde, merde! Je venais de toucher le fond. J'avais tout de même essayé de glisser ma main dans son bermuda, avais gémi sous ses lèvres et lui avais avoué avoir terriblement envie de lui. Malgré cela, Jack venait de me repousser, il est vrai avec beaucoup de tact, mais le résultat restait le même.
Intérieurement j'hurlai. Je détestais Jack au plus haut point. Il n'était que le reflet de ma propre faiblesse. Quant à ma libido, en grande traîtresse, elle venait de me faire payer toutes ces années où je l'avais totalement ignorée. Comme pour me punir, elle décidait de refaire surface comme ça ! Et cerise sur le gâteau : avec lui. Ma gorge se serra et mes larmes commencèrent à monter. C'en était trop. J'étais fatiguée. Rentrer à l'appartement, oublier cette journée voilà ce que je souhaitais.
— Ashley, je voudrais te dire que...
Je l'interrompis. La voix de Jack était douce et ses yeux plaqués sur moi avaient une expression que je ne saurais définir. De la tristesse, de l'angoisse ou peut-être un mélange des deux. Il craignait sans doute que j'aille raconter notre petit corps-à-corps à Catherine et qu'elle ne le voie plus comme un gentil garçon. Il n'y avait rien à dire. Et là, à moitié dévêtue avec les cheveux ébouriffés, je n'avais que deux choses en tête : me rhabiller et rentrer chez moi.
— Tu permets que je t'emprunte ton sweat, dis-je en joignant le geste à la parole. Et puis, je n'attends aucune explication. Je me suis emballée et tu as bien fait de mettre fin à tout...ça.
— Je voudrais juste te dire que ...
D'un geste de la main, je l'interrompis à nouveau. À croire que Jack ne comprenait pas que je n'avais rien à lui dire et que je ne désirais surtout pas parler de ce qui venait de se produire.
— Jack, je veux juste rentrer chez moi, la journée a été longue et tu le sais, elle n'a pas été non plus de tout repos. En plus, demain je dois être de bonne heure à l'hôpital, donc deux solutions s'offrent à toi. Soit tu rentres mon adresse dans ton GPS pour me raccompagner, soit je fais appel à un taxi.
Mon ton était sans appel. Jack soutint mon regard mais eut le bon sens de ne pas insister.
— Je te ramène chez toi, entre ton adresse dans le GPS, dit-il.
Après m'avoir plantée brûlante de désir et la poitrine nue, le gentil garçon était à nouveau de retour. Quelle amabilité de sa part!
En toute franchise, je ne pouvais pas accabler Jack. C'était tout de même moi qui m'étais jetée sur lui comme une pauvre fille désespérée. Lui, il avait juste répondu à mes ardeurs avec beaucoup d'enthousiasme. Et le pire, je ne pouvais pas justifier mon comportement par l'annonce du cancer de Jacob. Ma transformation en folle furieuse avide de sexe ne venait pas de là. Le désir que j'éprouvais pour Jack depuis notre première rencontre, voilà mon problème. Mon attirance pour lui me consumait et le fait de ne pas y succomber ne faisait qu'accroître ma frustration. Pour ma défense, à l'âge de vingt-sept ans je n'avais à mon compteur que mes deux relations sexuelles avec Grégory et elles étaient toutes deux à classer dans les annales le sexe pour les nuls. Je posais mon front contre la vitre relevée où s'amassaient des gouttes d'eau diminuant la visibilité sur l'extérieur. Le regard pesant de Jack quitta la route pour se fondre sur moi. N'ayant rien à lui dire, je fermais les yeux pour lui ôter toute envie d'entamer une discussion. Après une période qui me sembla une éternité, la voix féminine du GPS raisonna dans l'habitacle. Allez, Ashley!!! Plus que cinq minutes et tu seras enfin à la maison.
Après une bonne nuit de sommeil, je pourrais mettre cette horrible journée et Jack définitivement derrière moi... J'aurais tout donné pour être actuellement à l'hôpital. L'intensité de la pluie ne faiblissait pas et en période d'orage, le bloc ne désemplissait pas. C'était opérations sur opérations. Tout ce dont j'avais besoin pour me remettre les idées en place. L'instant d'après, Jack remontait ma rue à la recherche d'une place de stationnement. Enfin, me dis-je. Prenant conscience que j'avais été en apnée durant tout le trajet du retour, j'expirai de soulagement. Bientôt je serais à l'abri sous mes draps. Trop impatiente, je pris la parole.
— Ne te fatigue pas, à cette heure-ci tu ne trouveras aucune place disponible. Mets-toi en double file afin que je descende de la voiture.
— Ashley, j'aurais vraiment voulu parler de ce qui vient de se passer entre nous.
Sérieusement, ce mec était insensé. Que voulait-il? Que je reste plantée là à l'écouter me dire qu'il avait trop de respect pour sa personne pour se compromettre ainsi avec une névrosée obsessionnelle du sexe? Va au diable, Jack HUNTER! Je fis un effort surhumain pour ne pas lui cracher ces mots à la figure. Et m'obligeai à lui adresser mon sourire le plus charmant.
— Jack, comprenons-nous bien. Il n'y a rien à dire sur ce qui vient de se passer. Si tu veux tout savoir, cela fait presque quatre ans que je ne me suis pas envoyée en l'air et en plus mes deux dernières tentatives furent un désastre, alors je me suis jetée sur toi, mais franchement j'aurais pu me jeter sur n'importe qui.
Voilà qui était dit ! Jack me regardait avec stupeur. Je me demandais ce qui l'interpellait le plus. Mon abstinence depuis quarante-huit mois ou savoir que je me serais jetée sur n'importe qui ? À bien y réfléchir sur ce coup-là, j'aurais mieux fait de me taire.
— Euh... Sur ces belles paroles, au revoir et bon retour à New-York.
Pour couper court à toute réponse de sa part, je descendis précipitamment du véhicule sans me soucier de la pluie fouettant mon visage, et me dirigeai sans attendre vers l'entrée de mon immeuble. Arrivée à l'appartement, je pris appui contre la porte pour me laisser glisser sur sol et enfin pousser le cri de rage que je retenais depuis que monsieur JONHSON m'avait informée de l'état de santé de Jacob. Mes larmes se mirent à couler librement le long de mes joues et pour la première fois depuis des années, malgré tous mes efforts, je n'arrivais pas à les contenir. Assurément cette journée rentrait dans le palmarès des journées les plus merdiques de ma vie.
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Notre valse en trois temps - tome 1 - Les secrets
RomanceIl y a des rencontres qui bouleversent une vie. Qui vous font entrevoir un avenir terrifiant mettant à nu toutes vos fêlures. Et à 27 ans, mes blessures d'hier me tourmentaient toujours mais j'avais appris à les enfouir très profondément derrière le...