Chapitre 6

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 — Est-ce que tu sais d'où je viens ? s'enquit Caspian.

Valérian fronça les sourcils. Les questions trop personnelles n'osaient jamais franchir la barrière de ses lèvres. Sa propre identité n'avait jamais été un secret pour personne. Malgré lui, les autres pensaient le connaître de part son nom et son statut. À de nombreuses reprises, il s'était imaginé anonyme parmi son entourage. Quelque part, il les enviait. Le peu d'échange qu'il avait avec les autres restait superficiel. Donnait-il l'impression de ne pas se soucier d'eux ? Avait-il manqué quelque chose ?

— Non, avoua Valérian du bout des lèvres. Je devrais ?

— Peut-être qu'Elijaï t'en a parlé.

L'apprenti Messager secoua la tête. Jusqu'où s'étaient élevées leurs confidences ? Son ventre se noua de façon désagréable à l'idée de les savoir si proches, si à l'aise l'un avec l'autre. Lui, avait du mal à soutenir son regard bleu, à baisser sa garde, malgré l'étrange fascination qui l'attirait.

— Elijaï ne répète jamais ce qu'on lui confie.

Un sourire doux étira les lèvres de Caspian. Les traits de son visage se détendirent, s'attendrirent.

— C'est vrai. On peut lui faire confiance, admit le jeune homme.

— Oui, il est... commença Valérian.

Les mots se coincèrent dans sa gorge, sans qu'il ne sache comment le qualifier. Génial ? Parfait ? Rassurant ? L'avouer à haute voix lui donnait la sensation de se mettre à nu. Heureusement, Caspian se contenta de hocher la tête, comme s'il avait deviné.

— Je ne viens pas de Zeldya, comme vous, avoua le futur Chasseur.

Son beau regard turquoise se perdit à travers la fenêtre donnant sur les jardins, au loin. Valérian en profita pour admirer la courbe de son cou, de sa mâchoire carrée, s'attarda sur la marque foncée qui traversait sa joue, qu'il n'avait jamais observée d'aussi près. Elle ne ressemblait pas à une ancienne blessure. Il était certain qu'en y passant le doigt dessus, il ne sentirait aucune différence entre cette zone et le reste de son visage.

Devant son silence, Valérian hésitait. Devait-il interrompre ses pensées ? L'aider à les ordonner en posant une question ? Son cœur s'emballa à l'idée de connaître ce fragment de vie de Caspian. Il voulait savoir, partager son secret avec Elijaï.

— D'où viens-tu ? osa-t-il.

— Je ne sais plus, avoua l'apprenti Chasseur. De Dirlyan, apparemment. Je ne m'en souviens plus. Je n'ai aucun souvenir de ma vie avant d'arriver à la capitale. Je me souviens simplement d'un grand brasier, dans lequel ma famille est décédée. J'avais douze ans.

— Je suis désolé, souffla Valérian.

— Je... hésita Caspian. C'est comme si tout ça appartenait à une autre vie. Je n'ai jamais été triste ou en colère, car je ne me souviens pas d'eux. Ni de leurs visages, ni de leurs voix ou de leurs noms. J'en suis pas fier.

— Ce n'est pas de ta faute ! Tu ne peux pas culpabiliser de ne pas souffrir.

Valérian pinça les lèvres sous son sourire crispé. Quelle sensation éprouvait-il en avançant sans ses souvenirs passés ? La vie lui avait dérobé une partie de son enfance, des souvenirs probablement précieux, des liens familiaux. Douze ans, ce n'était pas rien.

— C'est Syn qui m'a trouvé, continua Caspian. Il m'a soigné et recueilli. Il m'a ramené à Zeldya et m'a élevé comme son propre fils. C'est la seule chose qu'il me reste. Lui, mes crises et ça.

Le jeune homme lui désigna la chevalière qui enserrait son doigt. Une pierre noire sertissait une monture en métal sombre finement ouvragée. Un bel héritage.

Le Requiem du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant