Le Requiem du loup

Chapitre 62

Un tempo lent mais régulier résonnait, battait contre les carreaux. Valérian s'éveilla en sursaut, le corps tétanisé et courbaturé. La froideur du sol avait pénétré sa couverture. Il battit des paupières, ébloui par la lumière du jour, bien que le ciel fût gris. Un début de migraine le rongeait déjà. Ses cernes et ses lèvres violettes témoignaient de sa fatigue et de la froideur de la nuit passée contre le mur de sa salle de bain. La veille, alors qu'il avait été sur le point de s'endormir, une Empreinte de souvenir de Solior s'était mise à arpenter inlassablement la chambre. Le prince avait alors murmuré des phrases presque inaudibles et incompréhensibles.

Le Messager avait donc trouvé refuge dans la pièce adjacente, seul endroit duquel il pouvait échapper à ce spectre pâle.

Il avala péniblement sa salive, éveillant une brûlure dans sa trachée. Son corps lui hurlait de se lever, d'étirer ses membres et de se réchauffer, mais la lassitude l'emportait. Aujourd'hui, il n'avait pas la force de s'enfoncer dans les histoires macabres de ce château.

Le regard fixé sur un carreau de mosaïque irrégulier, il fronça les sourcils devant la minuscule lueur chaleureuse qui brillait et effleurait son âme.

Risza.

Son lien doré s'étirait, fort et réconfortant. Depuis combien de temps ? Il s'était naturellement tissé durant son sommeil.

Valérian se redressa d'un bond et posa une main contre le mur afin de se soutenir quelques instants, luttant contre les taches qui dansaient devant ses yeux. Le cœur battant à tout rompre, il revêtit les premiers vêtements qu'il trouva et s'empara de sa cape pourpre. Il s'en drapa les épaules et, aussitôt, un poids s'ôta. Dans quelques instants, le cauchemar prendrait fin.

Il posa une main sur la poignée, mais celle-ci refusa de s'abaisser. Il poussa et tira de toutes ses forces, insista bien qu'il sût que c'était peine perdue.

— Ouvrez ! hurla-t-il en tambourinant contre la porte.

Il tira sur les liens qu'il avait noués avec les Gardes du palais jusqu'à trouver les deux qui l'unissaient aux hommes se tenant devant sa chambre. Naturellement, ils restèrent sourds à ses prières. Le Messager se tourna vers la fenêtre qu'il ouvrit à la volée, avant de se pencher vers l'extérieur. Le vent froid cingla aussitôt sa peau, lui arrachant des frissons qui furent accentués par le vertige. Le sol s'étendait à vingt-huit mètres en contrebas. Peut-être qu'en s'époumonant lorsqu'elle sortirait...

Il balaya la chambre du regard, désespéré de trouver quelque chose qui lui permettrait de s'évader. Malheureusement, sa chambre avait été passée au peigne fin depuis qu'il avait brisé son miroir pour s'en faire une arme. Il ne disposait que du strict nécessaire. Les chandeliers en argent avaient disparu, tout comme les cordons qui retenaient ses rideaux, la barre en fer de son dressing qui supportait normalement ses capes et manteaux, ou encore la réplique en fer forgé du blason de la famille Héliosaint qui avait un jour décoré un pan du mur. Rien ne pouvait l'aider.

Valérian passa une main dans ses cheveux et empoigna ses mèches dorées. Ses liens avec Caspian et Elijaï restaient inexorablement éteints. Où se trouvaient-ils ? Était-ce son instinct qui lui soufflait qu'ils ne se trouvaient pas loin, ou son désir le poussait-il à y croire de façon désespérée ?

Le noble s'appuya contre le mur, alors que le sang martelait à ses tempes. Ils étaient tout près, il en était certain. La barrière de Lore ne l'empêchait pas de les sentir au plus profond de son âme.

Des plaintes étouffées lui firent tendre un peu plus l'oreille. Un bruit sourd raisonna derrière la porte, suivi d'un froissement et d'un claquement de ferraille. Valérian s'approcha et se pencha pour tenter d'apercevoir la scène de l'autre côté de la serrure, néanmoins, seul le mur en pierres lui faisait face. Malgré les battements assourdissants de son cœur, il percevait des sons tout juste audibles, comme des cliquetis réguliers. Après de longues secondes, un frottement attira son attention sous la porte.