Chapitre 39

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 — Vous prendrez dans les réserves de blé du château, indiqua Risza. Il faudra veiller à les distribuer selon les besoins de chacun. Le seigneur Ydrys a assez de gardes pour que l'opération se déroule dans le calme, mais nous enverrons des Soldats en renfort. Ils serviront d'escorte durant le voyage. Valérian, tu feras le trajet avec eux.

Le noble hocha simplement la tête. Il était passé maître dans l'art de n'écouter que d'une oreille, tout en donnant l'illusion d'être attentif et impliqué. Le seigneur Ydrys n'avait pas été en mesure de payer les impôts à cause d'une mauvaise récolte due aux intempéries. Une pluie diluvienne avait inondé les champs, ruinant le dur labeur des paysans. Valérian allait devoir évaluer les dégâts réels et trouver des solutions avec le seigneur pour palier à cette crise.

— Des questions ? s'enquit la reine. Non ? Passons à l'affaire suivante.

— Nous n'avons toujours pas de nouvelle d'Avalon, expliqua un conseiller. Le royaume garde ses frontières fermées depuis le décès du roi. Pour le moment, les transactions sont suspendues.

Valérian décrocha une nouvelle fois. Les relations entre son royaume et celui d'Avalon étaient devenue tendues depuis la mort de la mère de Risza. Cette dernière avait songé à un mariage arrangé entre sa fille et le fils du souverain voisin, mais la princesse avait coupé court à cette possibilité dès son accès au trône.

Son esprit était accaparé par un détail qui le mettait en émoi. Sa dernière lettre arriverait bientôt entre les mains d'Elijaï, il n'était plus question que de six kilomètres. Il guettait sa progression depuis de longues semaines, à la fois anxieux qu'Elijaï découvre le fond de sa pensée et impatient de livrer enfin ce qui pesait constamment sur son cœur.

Sa réponse serait une délivrance. Au fond, il n'attendait que son aval pour le rejoindre. Avait-il besoin de se rassurer, d'entendre Elijaï lui demander de le rejoindre ? Ainsi, peut-être aurait-il moins l'impression de trahir Risza. En attendant sa réponse, il préparerait son départ en secret. Cette mission serait la dernière.

***

Valérian écarta les branches du saule pleureur et esquissa un sourire triste. Il passa un doigt sur son écorce, s'attarda sur les lettres gravées. Le V et le E. Le C, ajouté par Caspian quelques jours avant sa mort.

Il désespérait de remplir le vide qui entourait son défunt amant. Elijaï était trop loin pour répondre à ses questions et Syn avait démissionné de son poste. Autour de lui, Rizsa et sa famille évitaient de parler de lui, par crainte de le faire souffrir, mais il en avait besoin. Il devait se libérer de ce poids, parler pendant des heures de l'homme qu'avait été Caspian. Ce dernier ne devait pas continuer à vivre seulement dans son cœur.

— Caspian.

Depuis combien de temps n'avait-il pas prononcé son prénom à voix haute ? Valérian inspira en fermant les yeux. Ne pas pleurer. Elijaï le lui avait expressément demandé. Il aurait tant aimé parvenir à sourire, à ne garder que les bons souvenirs. En réalité, même les plus beaux faisaient mal désormais.

Le noble s'adossa au tronc et y posa l'arrière de son crâne. Il cligna des paupières pour chasser ses larmes et observa les étoiles à travers les branches. Il avait toujours entendu dire que la plus brillante d'entre elle, représentait une personne disparue chère au cœur. Caspian était devenu son étoile du berger, celle qui était censée le guider et lui faire garder le cap, lui indiquer la direction à suivre s'il se perdait.

Sauf que Valérian n'avait pas besoin des étoiles pour se repérer, il avait déjà son Don. Alors pourquoi avait-il fallu que le ciel lui prenne Caspian ?

Son cœur lourd retrouva un peu de légèreté lorsque sa lettre se retrouva enfin entre les mains d'Elijaï. Il pouvait presque sentir la caresse de ses doigts sur le papier. Comment avait-il pu le laisser partir tout seul ?

Valérian frémit, les yeux écarquillés. Le lien venait de disparaître. Il avait beau chercher, sa lettre n'existait plus. Était-ce là une limite de son Don ? Il était vrai qu'il ne s'était jamais aventuré du côté d'Arenden. Pourtant, le fil qui le reliait à Elijaï demeurait intacte. Il était en mesure de suivre ses déplacements, les quelques pas qu'il effectuait dans ce que Valérian supposait être sa chambre, l'endroit qu'il regagnait tous les soirs.

L'avait-il brûlée ? Impossible. Pourquoi aurait-il fait une chose pareille après avoir lu ses maux mis à nu ? Peut-être ne voulait-il pas laisser de preuve derrière lui ? 

Ça devait être ça. C'était forcément ça.

Mais des preuves de quoi, au juste ? Du fait qu'il renonçait à servir la couronne ? 

Son cœur s'emballa et ses mains tremblèrent. Elijaï était si loin.

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Bonsoir ! Je poste un chapitre assez court en cette fin d'après-midi. Un autre arrive dans la foulée. 

À tout de suite 😁

⭐Joyce

Le Requiem du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant