— Non, pas toi.
Valérian considéra l'enfant qui lui faisait face en tentant de savoir s'il plaisantait ou non. Il jeta un coup d'œil à ses camarades, mais ces derniers évitaient son regard avec soin.
— Pourquoi ? s'enquit-il.
Il détesta son timbre trop implorant. Depuis quelque temps, il sentait que ses amis changeaient. Ils l'excluaient des jeux de poursuite, dans lesquels il fallait se cacher ou dissimuler un trésor, ou encore des activités de balle où se conjuguaient adresse et précision. Son Don se développait depuis un an maintenant et il ne pouvait rien faire pour le réfréner, au point de ne plus savoir vivre sans ces données qui parasitaient son esprit.
— Tu triches tout le temps, ce n'est pas drôle.
— C'est faux ! s'indigna Valérian. Je ne triche pas.
— Bien sûr que si, insista Eckyo. Tu utilises toujours tes pouvoirs.
— Ce n'est pas de ma faute.
Pourquoi ne comprenaient-ils pas ? Il le leur répétait pourtant sans cesse. Il avait beau tenter de se défendre, ce n'était que peine perdue. Déjà, ses amis se détournaient de lui en se défiant les uns et les autres de leurs épées en bois. Valérian laissa retomber la sienne le long de sa jambe, la gorge nouée d'une façon désagréable. Eckyo hurlait à qui voulait l'entendre qu'il serait le plus grand Chasseur de démons du royaume.
Résigné, le jeune garçon de sept ans trouva un banc sur lequel s'asseoir pour attendre que le temps passe. Aussitôt, les informations l'assaillirent, le submergeant telle une vague inarrêtable. Son siège de fortune se trouvait à cinquante-sept centimètres du sol, le mur face à lui à trente et un mètres. Malgré lui, il localisait Eckyo et les autres, suivant leurs déplacements autour de l'école.
Valérian inspira profondément dans l'espoir de freiner ce flot inutile de chiffres. Pour cela, il lui fallait faire le vide dans son esprit, il le savait. Pourtant, l'injustice lui nouait la gorge. Ses mains tremblaient sous la jalousie, alors que les rires éclataient autour de lui. Les lèvres pincées, il se réfugia dans ce qu'il avait de plus cher et familier. Il s'accrocha au lien qui l'unissait à son père, parti depuis trop longtemps. Ce dernier se trouvait encore à des centaines de kilomètres de Zeldya, mais le savoir sur le chemin du retour l'apaisa assez pour repousser le venin qui empoisonnait son cœur d'enfant.
Les jours passaient, le fossé s'agrandissait, creusé par la solitude. Valérian veillait à sauver les apparences. Il regardait ses amis jouer à leurs jeux d'épées en sachant que, bientôt, ils se lasseraient et trouveraient d'autres occupations. Pourtant, même en gardant le sourire, une boule le gênait, comme bloquée dans sa gorge. Parfois, elle pesait lourd sur son estomac, surtout quand les autres ne lui accordaient plus qu'un vague regard, qu'ils lui parlaient ou l'écoutaient tout juste, ricanaient dans son dos.
Valérian avait fini par se taire, afin de ne plus essuyer d'œillades agacées ou moqueuses. Il continuait de les suivre pour ne pas rester seul, sans savoir que faire de ses mains. Il tentait alors de devenir le plus petit et discret possible, dans l'optique de ne plus les gêner. Ses affaires avaient commencé à disparaître. Au début, il en riait avec eux, en les localisant un peu partout dans l'école. Pourtant, ces disparitions déréglaient sa concentration en cours, alors que son esprit se focalisait sur ses biens éparpillés. Lorsqu'il s'éloignait pour récupérer son livre sur les plantes, c'étaient ses belles plumes à encre qui se volatilisaient. Sa seule solution était de tout ranger dans sa sacoche en cuir et de la garder sur ses genoux dès que les adultes avaient le dos tourné.
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Le Requiem du loup
RomanceEntre Valérian et Elijaï, c'est une évidence, un don, une odyssée. Valérian a beau résister, le Chasseur détient depuis toujours des droits sur son âme, ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne s'abandonne entièrement. L'arrivée de Caspian d...