Chapitre 27

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Valérian fixait résolument l'horizon. Enfin, les deux Loups qui les escortaient depuis leur départ s'arrêtèrent et longèrent une ligne imaginaire sur quelques mètres, avant de décrire un cercle. Elena avait insisté pour que deux membres de sa meute les accompagnent jusqu'à leur prochaine étape et ils ne pouvaient visiblement pas aller plus loin.

Valérian passa entre les deux Loups en s'obligeant à respirer calmement, mais son cœur s'emballa lorsqu'il sentit leur regard sur lui.

— Merci. Bon retour, leur souhaita Sanawel.

Le Messager resserra d'une main sa cape rouge autour de lui. La douleur de son épaule commençait à s'éveiller. L'inconfort du voyage se faisait ressentir, mais pour la première fois depuis qu'ils avaient quitté la meute deux jours plus tôt, il se détendait à mesure que la distance entre ces maudits Loups et lui grandissait. Leur présence l'avait étouffé, tourmenté. Les images de sa nuit cauchemardesque tournaient en boucle dans son esprit.

Il échappait à une meute pour en rejoindre une autre. Son estomac se contracta, menaçant de rendre le peu qu'il contenait. Comment seraient-ils accueillis ? Risza avait dû prendre connaissance du courrier envoyé par Elena. Comment avait-elle réagi ? Au moins, sa mission ne se soldait pas par un échec complet : il avait pu rencontrer six jeunes Loups et créer des liens avec eux.

Valérian serra les dents en frissonnant sous le vent froid et piquant. L'épaisse forêt boisée avait laissé place à un environnement rocheux. Les montagnes s'étendaient à perte de vue. Certains arbres avaient commencé leur mue d'automne, pigmentant le paysage de rouge, d'orange et de marron.

Dans combien de temps rentreraient-ils ? Ils avaient déjà cumulé plusieurs jours de retard sur leur planning.

Trois mois plus tard.

— Regarde, là-bas ! souffla Nowa.

Valérian suivit des yeux la direction indiquée, mais il ne vit rien d'autre qu'un sapin. Et puis, du coin de l'œil, il aperçut l'air qui semblait onduler. C'était discret, presque imperceptible pour qui n'observait pas attentivement. Le noble plissa les yeux et fixa le tronc jusqu'à identifier un contour en mouvement.

— C'est un dragon d'air, devina-t-il.

Il n'en avait encore jamais vu. Ils étaient sans conteste les plus timides de leurs représentants. Ils préféraient la tranquillité et l'air pur des montagnes, frais et vivifiant. À sa connaissance, aucun Homme n'était parvenu à en approcher un. Ils étaient les seuls à ne pas avoir souffert du commerce d'écailles du fait de leur insaisissabilité. Les observait-il de sa cachette, parfaitement fondu dans le décor ?

Valérian lui sourit, saisit ce minuscule instant de bonheur durant lequel ses angoisses disparurent. La prochaine pleine lune aurait lieu dans quatre jours. Les trois fois suivantes s'étaient déroulées sans encombre, mais il ne pouvait s'empêcher de repenser à l'attaque qu'il avait subie. Ces nuits-là, les chants des Loups le maintenaient éveillé.

Le noble se consola en se rappelant que, ce soir, il se reposerait enfin dans un vrai lit. Les deux derniers, faute de trouver une auberge pour les accueillir, ils avaient dormi à la belle étoile, sous des tentes de fortune. Comment seraient-ils accueillis ? Méfiance. Respect. Gratitude. Chaque meute brillait par sa différence. Certaines l'avaient mis à l'aise, une seule ne leur avait pas permis de pénétrer sur leur territoire.

Valérian jeta un coup d'œil à l'ouest. À des centaines de kilomètres, par-delà les montagnes et vallées, se trouvaient Elijaï et Caspian. Trois mois de demi déjà. Depuis presque autant de temps, un poids s'était logé dans sa poitrine. Parfois, il pesait plus lourd, semblait prendre toute la place. Cela arrivait souvent le soir, lorsqu'il s'allongeait seul et que ses pensées dérivaient vers eux. Encore une dizaine de meutes et tout serait enfin terminé.

Le Requiem du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant