Chapitre 48

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Valérian écarta la toile de tente, une boule d'angoisse dans la gorge, et quitta son abri. Il resserra les pans de sa cape autour de lui et jeta un coup d'œil aux alentours. La neige fraîche se teintait de rose et d'orange sous le soleil levant. La veille, il s'était endormi sans s'en rendre compte. À quelques mètres de là, Elijaï somnolait contre un arbre, chaudement emmitouflé dans des couvertures. Avait-il monté la garde toute la nuit ? Les cernes qui creusaient ses yeux en témoignaient.

— Hey... souffla Valérian.

— Hey... Bonjour.

Le Chasseur lui offrit un sourire faiblard, fatigué, mais sincère.

— Je suis désolé, tu as dû veiller toute la nuit ! Tu aurais dû me réveiller.

— J'aurais jamais réussi à m'endormir de toute façon.

Elijaï secoua la tête et se redressa pour alimenter les faibles braises du foyer qu'il avait allumées. Il mit de l'eau à chauffer au-dessus et y fit infuser des feuilles de thé noir. Il reprit ensuite sa place, son épée dans son fourreau serrée contre lui, prête à être dégainée. Ses yeux sombres se perdirent au lointain sans réellement le voir, peut-être égarés dans un souvenir.

— Je comprends pas ce qui s'est passé, lâcha-t-il dans un souffle. J'ai beau y avoir réfléchi toute la nuit, je ne comprends pas. Je t'ai écrit tellement de fois, tu dois me croire. J'ai cru devenir fou là-bas.

— Il y a forcément une explication, tenta Valérian en s'installant à ses côtés. On doit retrouver Syn.

Son cœur se serra devant sa détresse. Les doigts de son amant serraient son arme au point que ses jointures blanchissaient.

— Il faisait tellement froid. J'étais presque toujours tout seul. Je pensais que ça passerait, mais malgré les connaissances que j'ai pu me faire, il y avait toujours ce vide.

Valérian pinça les lèvres. Il aurait aimé lui dire « je sais ». Ce vide, il le connaissait. Cependant, lui avait eu Risza et ses parents. Il avait été soutenu. Des personnes s'étaient souciées de son bien-être, avaient pris soin de lui quand lui-même n'y parvenait pas.

— Tu sais ce qui m'a fait cesser de t'écrire ?

Le Messager secoua la tête et ferma les paupières. Voulait-il réellement l'entendre ?

— J'ai pourtant tellement insisté... avoua Elijaï. Même après que tu m'aies demandé de te laisser tranquille.

— Je n'ai jamais...

— J'ai reçu une lettre de mes parents, coupa le Chasseur. À la fin, ils me sommaient de te laisser tranquille, de te laisser passer à autre chose. C'était juste... comme un cauchemar sans fin.

— Ce n'était probablement pas eux non plus. Quelqu'un est derrière tout ça, on découvrira qui et pourquoi.

Elijaï ferma les yeux et ses paupières tressautèrent. Il paraissait tiraillé.

— Toi et moi, quand on s'est retrouvé tout seul, ça me ramenait parfois au moment où tu étais parti visiter les meutes, confia le Chasseur d'une voix faible. J'étais avec Caspian et on attendait ton retour.

Un fin sourire se dessina sur ses lèvres, sans joie ni amertume, infiniment triste. Valérian retint son souffle devant sa détresse.

— Quelques fois, après sa mort, je replongeais dans cette attente. Je l'attendais avec impatience, jusqu'à ce que je me souvienne qu'il ne reviendrait pas.

Valérian l'étreignit avec force. Les genoux dans la neige, dans un équilibre incertain. Cette position inconfortable lui importait peu : il devait l'apaiser.

Le Requiem du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant