Chapitre 63

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Le cœur battant à tout rompre, Valérian observait du haut des remparts l'armée de Risza qui se dessinait à l'horizon. La froideur hivernale du matin avait laissé place à une étrange lourdeur. D'épais nuages noirs s'amoncelaient dans le ciel, l'air s'était réchauffé avec une rapidité qui laissait les guerriers perplexes. Les archers formaient des lignes près des créneaux, attendant les ordres. Aux pieds des murailles, les Soldats patientaient dans un silence religieux.

Et, tout devant, en première ligne... Valérian serra un peu plus les poings et les dents, au point que ses mâchoires et phalanges en devinrent douloureuses. Syn contraignait ses Louveteaux à se tenir tranquille, les clouant sur place de son aura dominatrice. Leurs oreilles plaquées en arrière, leurs queues cachées entre leurs pattes arrières et leurs regards angoissés lui brisaient le cœur. Ils n'avaient pas leur place dans cette guerre. Ils n'étaient que des boucliers envoyés en avant pour perturber l'ennemi, coincé entre deux armées. Derrière eux, des Loups adultes grondaient, impatients de se battre.

Risza devait être au courant de cette infâme stratégie, Caspian avait dû la renseigner. Or, durant une bataille, il était bien plus difficile de maîtriser un adversaire sans le blesser que de le tuer. Quel plan d'attaque avait choisi la reine pour ne pas mettre en danger les jeunes Loups qui faisaient partie de son peuple ? Privés de leur propre volonté, ces derniers n'hésiteraient pas à se battre et, malgré leur jeune âge, leurs crocs, leurs griffes et leurs forces étaient redoutables.

Valérian cilla lorsque sa reine apparut au centre de son armée, sur sa monture noire comme l'ébène. De loin, il devinait son armure, légère mais solide, ainsi que sa lance qui pointait vers le ciel. À une trentaine de mètres sur sa gauche, Sheitan menait une cinquantaine d'hommes et de femmes du désert armés de lames double, vêtus de pans de tissus qui ne laissaient entrevoir que leurs yeux. À la droite de la reine, des Loups piaffaient d'impatience.

Parmi eux se dinstinguait le seul que Valérian brûlait de voir. Caspian se présenta en première ligne sous sa forme lupine. Son pelage roux flamboyait, renvoyait sa détermination et sa rage. La couleur turquoise de ses yeux ressortait au milieu du masque de poils noirs qui couvraient son visage. Aussitôt qu'il apparut, Syn commença à faire les cent pas devant les Louveteaux qui se redressèrent en couinant.

Elijaï se porta à la hauteur de son amant, juché sur une monture à la robe dorée. Epona. Valérian s'en voulut une seconde d'avoir oublié sa jument. La revoir boosta un peu plus son espoir. Le Chasseur ne pouvait espérer meilleure monture dans cette bataille.

— Qu'on en finisse, ordonna Solior.

Son regard vide ne reflétait que l'ennui et la lassitude. Un son de cor résonna dans la plaine, suivi d'un hurlement. Syn s'élança en trottinant, suivi de sa meute, et prit de la vitesse lorsque les Loups du camp adverse déferlèrent dans sa direction.

— C'est insensé ! s'écria Valérian en se tournant vers le souverain. Arrêtez ça !

Le souffle court, il se retrouvait tiraillé entre la volonté de détourner le regard et celui d'affronter la réalité. Son cœur saignait. Ce n'était que des enfants ! Ils devaient être terrorisés. Alors qu'ils quittaient l'enceinte du château, Valérian avait réellement vu pour la première fois le Louveteau noir qui ne quittait jamais son arbre. Son flanc gauche arborait une immense balafre, qui partait de son épaule et descendait jusqu'au bas de sa cuisse. Au niveau de ses côtés, le centre de la cicatrice devait être aussi large que la paume de sa main. Le louveteau était passé près de lui en boitant, lui jetant pour la première fois un regard qui le suppliait de l'aider.

Plus que cinquante-deux mètres et les deux groupes se rencontreraient de plein fouet. Trente-neuf... Valérian plaqua une main sur ses lèvres, alors que les larmes montaient. Caspian allongea alors sa foulée et hurla. Derrière lui, les Loups ralentirent, attentifs. Valérian reconnut parmi eux des Loups dont il avait visité les meutes plusieurs mois auparavant, notamment Aïden, son compagnon Sanji et leur fils Nawaki. Ils étaient là pour reprendre Nala.

Le Requiem du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant