Chapitre 24

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Valérian fixait résolument la cape bleu nuit du Soldat devant lui. Il sentait la présence des bêtes autour de leur petit groupe, d'abord subtile, désormais étouffante. Elles ne se cachaient plus et pour cause : la garde royale foulait leur forêt, leur territoire. Il voyait leur ombre mouvante qui louvoyait entre les arbres, entendait leur respiration, leurs grognements, le claquement de leurs mâchoires. Il avait même aperçu du coin de l'œil les éclats de deux yeux rouges.

L'obscurité ne tarderait pas à les envelopper entièrement, les températures avaient déjà commencé à chuter et quelques étoiles apparaissaient dans le ciel, visibles entre deux feuillages. Habituellement, la nuit ne l'effrayait pas. Pourtant, aujourd'hui, il évoluait en territoire inconnu. Ses repères se brouillaient face aux lieux qu'il ne connaissait pas.

Valérian serra les dents, alors qu'il sentait sous ses jambes les muscles de sa monture se contracter. Ses doigts se refermèrent sur les rênes de façon plus ferme et sa jument tira sur son mors.

— Tout va bien, murmura-t-il en caressant son encolure.

— C'est toi qui la rends nerveuse, souligna Sanawel.

Valérian humecta ses lèvres et tenta de se détendre afin de donner tort au Chasseur. Epona avait été élevée aux écuries royales et dressée pour n'avoir peur de rien. Seul son cavalier était en mesure de lui transmettre ses craintes. Or, depuis qu'une vingtaine de Loups les encerclaient, ses nerfs se retrouvaient soumis à une rude épreuve. Les mots de Syn tournaient en boucle dans son esprit. C'était sa première mission royale, il ne pouvait se permettre un seul échec.

*

Tu devras rester constamment sur tes gardes dès que tu te trouveras sur le territoire d'une meute.

Valérian leva sa lame, parant l'attaque dans un bruit de ferraille, et hocha la tête. Déjà son corps se replaçait, afin de retrouver son équilibre et de dévier le prochain coup de son adversaire. Ses gestes possédaient une précision aiguisée par des milliers d'heures d'entraînement. Aucun mouvement n'était superflu, ce qui lui permettait de conserver son énergie et son endurance. Pourtant, le combat s'éternisait depuis une vingtaine de minutes. Ses bras commençaient à peser, son épée lui paraissait de plus en plus lourde et les conseils de son professeur devenaient difficiles à assimiler. Face à lui, Syn semblait imperturbable. Contrairement à lui, il n'avait rien perdu de sa force.

Valérian contracta les mâchoires pour retenir un cri d'effort. Sa respiration commençait à s'emballer, le bruit saccadé de son propre souffle le rendait irritable. Le silence régnait dans l'arène, simplement perturbé par les chocs des armes. Il essayait de faire abstraction de la présence de Caspian et Elijaï, perchés sur l'un des balcons, désespéré de remporter le combat devant eux. Il avait débuté l'affrontement confiant, certain de ses capacités et de son talent, mais Syn ne laissait apparaître aucune faille dans laquelle il pourrait s'engouffrer. Son arrogance et sa confiance s'effritaient à mesure que l'évidence se dessinait : Syn l'aurait à l'usure. Son Loup le rendait plus endurant et plus fort.

Le noble para une nouvelle fois la lame de son adversaire, ses deux mains agrippant son pommeau pour contrer la force de frappe. Cette fois, au lieu de réattaquer, Syn pesa de son tout poids. Valérian serra les dents et résista. Un frisson le parcourut lorsqu'il le vit lâcher son épée d'une main. Il fit aussitôt de même et dégaina son poignard. Il leva à hauteur de son visage la courte lame, orientée perpendiculairement à son avant-bras. L'armure légère de son assaillant s'y écrasa une demi-seconde plus tard.

Il faillit esquisser un sourire, fier d'avoir contré cette feinte, mais une vive douleur le lui fit ravaler. La pointe d'une aiguille piquait son cou. Un millimètre de plus et elle perçait sa chair.

Le Requiem du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant