Chapitre 42

646 122 62
                                    

Valérian expira l'air qui lui glaçait les poumons. La buée s'éleva vers le ciel d'un bleu limpide où le soleil brillait en cette fin de matinée. Il ne rêvait que de rentrer enfin au palais pour dormir le reste de la journée. Sa jument était également épuisée par le voyage et l'épaisse couche de neige n'aidait pas à la ménager. Dans cette forêt immaculée, sa cape rouge ressortait de loin, comme une tache de sang écarlate glissant sur la poudreuse.

Un sifflement familier le fit sursauter. La fatigue avait endormi sa vigilance. Une flèche le frôla et se planta dans un bouleau. Epona exécuta un écart et ses oreilles pivotèrent vers l'avant, où une dizaine d'individus venaient d'apparaître. Leurs vêtements gris ou marron leur permettaient de se dissimuler habillement dans le décor. À en juger par leurs armes et leurs airs menaçants, il s'agissait de bandits de grands chemins.

— Donne-nous ta bourse et nous te laisserons partir sans te faire le moindre mal, ordonna l'un d'eux.

— Vous ne savez pas à qui vous vous adressez.

— Si tu crois être le seul petit malin qui se cache sous une cape rouge pour nous faire croire qu'il est un envoyé de la reine, tu te goures complètement.

Valérian soupira sous leurs rires gras. Naturellement, certaines personnes fraudaient et utilisaient les uniformes royaux à leurs avantages. Qui pouvait leur reprocher d'essayer de se protéger des voleurs ? Les sanctions infligées à ceux qui entravaient le bon déroulement de la gestion du royaume étaient si lourdes qu'elles suffisaient à dissuader les plus téméraires.

— Dépêche-toi, avant que je te troue la tête, menaça un autre homme.

Le noble jeta un coup d'œil à son arc bandé. Dans cette position, il ne risquait pas d'atteindre son visage. Il frôlerait son épaule, tout au plus.

— Je n'ai pas de temps à perdre, gronda Valérian.

Il rejeta sa capuche en arrière d'un geste vif. Ses mèches dorées s'illuminèrent sous les rayons du soleil, s'agitèrent sous la brise. Il les toisa d'un regard sévère, satisfait de voir que la plupart d'entre eux semblaient le reconnaître. Il profita de la confusion pour talonner sa jument qui reprit sa route en les contournant. Cependant l'un d'eux dégaina son épée.

— Où tu crois aller comme ça ?

— Six, le réprimanda un de ses camarades. Laisse tomber, c'est un vrai Messager.

— Raison de plus, il doit avoir un paquet d'argent sur lui. Nous en avons besoin.

Valérian ferma les paupières deux ou trois secondes. Lorsqu'il les rouvrit, sa pupille droite se voila de blanc et sa rune apparut, telle une tache d'encre qui s'épanouissait. Le bandit tressaillit.

— Laisse tomber, répéta son coéquipier. Il est Marqué. Si tu lui fais du mal son Chasseur te retrouvera et te tuera.

— Putain de bourgeois, grinça l'homme en rengainant son arme.

Ils s'éloignèrent aussi vite qu'ils étaient apparus. Valérian reprit sa route, impatient de rentrer. Il remit sa capuche et leva la tête vers le ciel. Enfin, il était de retour après de longues semaines d'absence. Il avait réussi à convaincre un pays voisin de construire conjointement un pont au-dessus de l'embouchure de la mer qui les séparait, afin de relier leurs royaumes. En le gérant à parts égales, ils gagneraient chacun la moitié des taxes qu'ils imposeraient aux marchands pour l'emprunter. Ce pont représenterait un gagne temps de deux jours pour quiconque souhaiterait l'emprunter au lieu de longer les côtes par la voie terrestre.

Enfin, les premières maisons apparurent lorsqu'il sortit de la forêt. Il s'aventura dans les rues de la capitale, où la neige avait été dégagée des rues principales. Les toits en étaient encore recouverts en partie, là où la chaleur des fumées de cheminée ne pouvait pas l'atteindre. Quelques passants le saluèrent avec respect, d'un geste ou d'un simple sourire et il le leur rendit. La plupart se dirigeaient vers l'église où une messe en l'honneur de la Déesse serait donnée, comme chaque premier jour du mois. Des enfants cessèrent leur jeu pour le dévisager avec une certaine admiration.

Le Requiem du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant