Deux semaines. C'était tout ce qu'ils avaient eu. Syn avait envoyé un corbeau au vieux Chasseur pour lui faire part de la décision de son élève. Ils avaient convenu d'un point de rendez-vous à mi-chemin entre la capitale et Arenden. Le futur maître d'Elijaï l'attendrait là-bas pour finir le trajet avec lui.
Les premiers rayons du soleil éclairèrent la chambre et la poitrine de Valérian devint un peu plus douloureuse. Un poids l'écrasait, entravait son cœur. Il se rassasia de la vue d'Elijaï, endormi à quelques centimètres de lui, comme s'il souhaitait graver le moindre de ses traits dans sa mémoire. Il avait dû peu dormir, comme lui, puisque même dans son sommeil il semblait épuisé, avec ses cernes creusées et son souffle faible.
Valérian entendit du bruit au rez-de-chaussée. Les parents de son amant étaient déjà debout, occupés à préparer le petit-déjeuner. Eux non plus n'avaient pas dû passer une nuit reposante. Une chaise racla contre le sol et Elijaï fronça les sourcils. Ses paupières tressautèrent et il inspira en s'étirant. Lorsqu'il ouvrit enfin les yeux et les posa sur lui, Valérian perdit ses moyens. Il se décomposa et des larmes brouillèrent sa vue. Il s'était pourtant promis de ne pas craquer, de ne pas le supplier.
— Reste, implora-t-il d'un ton éraillée. Je t'en prie, n'y va pas.
Sa voix se brisa alors qu'il éclatait en sanglots. Elijaï l'attira contre lui et le serra patiemment. Le Chasseur lui avait dit, de longs mois auparavant, qu'il n'avait qu'à lui demander de rester pour qu'il délaisse sa mission. Avait-il été sérieux, à cette époque ? L'aurait-il vraiment fait ? Probablement pas. Au fond de lui, il avait su que Valérian ne lui demanderait jamais une chose pareille.
Pourtant aujourd'hui, le noble était prêt à se mettre à genoux. Il s'accrocha à sa nuque, cacha son visage dans le creux de son cou.
— J'y arriverai pas... confia Valérian.
La boule dans sa gorge ne voulait pas diminuer, encore moins disparaître. La panique qu'il avait réussi à contenir jusque là débordait, la peur lui tordait les entrailles de façon douloureuse.
— Ça va aller, lui assura Elijaï en passant une main sous son haut afin de caresser son dos de bas en haut.
— Non.
Il était sincère, y croyait vraiment : il n'irait pas bien. Comment pourrait-il survivre loin de lui, alors que la disparition de Caspian était encore aussi fraîche ? La plaie était toujours béante.
— Sans toi...
Sa voix dérailla une nouvelle fois, le laissant aphone. Sans lui, il serait perdu. Rien ne pourrait combler le manquer, la solitude et la souffrance. Il n'avait plus goût à rien, excepté à Elijaï. Son corps tremblait déjà.
— Je n'ai pas le choix. Je dois y aller.
— Si, tu as le choix, affirma le Messager en se redressant pour lui faire face. On pourrait tout arrêter. On fera tout ce que tu veux. On peut même partir d'ici.
— Tu sais bien que c'est impossible.
Pourquoi ? Même s'il venait de proposer cette idée sur un coup de tête, il s'y accrochait de toutes ses forces. Elijaï n'avait qu'à accepter et il enverrait tout balader. Ils n'avaient besoin de rien ni de personne d'autre.
Le Chasseur prit son visage entre ses mains avec délicatesse et essuya ses joues.
— Ne pleure plus.
— Alors reste.
Elijaï esquissa un sourire triste, peut-être un brin amusé. Il se redressa pour s'asseoir et passa ses doigts dans ses mèches dorées.
— Je dois y aller pour apprendre, pour m'entraîner encore plus dur. Comment je pourrai te protéger sinon ?
— En restant là.
Valérian attrapa une de ses mains et embrassa sa paume, puis son poignet. Elijaï secoua la tête. Rien n'y ferait, il avait fait son choix. Le Messager baissa les yeux, luttant pour ne pas verser d'autres larmes. Elijaï ne le choisissait pas. Il essayait de ne pas le prendre personnellement, après tout, devenir Chasseur avait toujours été son rêve. Pourtant, ses refus catégoriques faisaient mal.
— Viens par là, l'invita Elijaï en posant une main sur sa nuque pour l'attirer une nouvelle fois à lui.
Son amant déposa un doux baiser sur ses lèvres. Il pencha légèrement la tête et l'embrassa avec tendresse durant de longues secondes. C'était la première fois qu'ils s'embrassaient vraiment depuis que Caspian s'était éteint.
Elijaï pesa sur lui et il s'allongea sans briser leur échange. Leurs langues se retrouvèrent avec lenteur, dans une certaine pudeur. La main de son homme couvrit la sienne et Valérian entrecroisa leurs doigts, comme s'il pouvait le retenir pour toujours.
Il allait partir. Il allait réellement partir et le laisser derrière lui. Bientôt son poids ne pèserait plus sur lui, sa chaleur ne l'envelopperait plus. Comment parviendrait-il à continuer sans lui ? Il ne parvenait pas à l'imaginer. Dès qu'il tentait d'y songer, un vide immense et sans fin prenait toute la place.
L'heure suivante se révéla floue. C'était comme évoluer dans un brouillard. Il entendait des voix, leur répondait, mais il semblait se trouver à des kilomètres. Sa main ne parvenait pas à lâcher celle d'Elijaï, ses yeux égarés observaient sans réellement voir. Il n'était plus qu'un automate qui blindait son cœur avant le grand final afin de limiter les dégâts.
Et pourtant, le sentir lâcher sa main fut infiniment douloureux. Peut-être avait-il eu, au fond, le fol espoir qu'Elijaï change d'avis à la dernière seconde.
Les lèvres de son homme formèrent des mots, un sourire minuscule. Valérian essaya de lever une main pour saisir son bras, mais les siens restèrent ballants. Ses doigts tremblaient légèrement, ne possédaient plus la force nécessaire pour le retenir. Il ne parvint pas non plus à lui rendre son étreinte, inspira simplement avec force le parfum qui se dégageait de sa peau lorsqu'il se retrouva le nez enfoui dans le creux de son cou.
Il ne pouvait pas vraiment lui faire ça. Si ? L'abandonner ainsi, perdu et le cœur tout juste battant, brisé en milliers de morceaux. C'était un cauchemar duquel il s'éveillerait.
— Attends, supplia Valérian.
N'importe quel prétexte était bon pour le garder encore près de lui. Il enleva le lien en cuir qui pendait autour de son cou et le suspendit à celui d'Elijaï.
— Tu es sûr ? s'enquit le Chasseur en serrant la chevalière en son poing.
— Oui. Tu me la rendras à ton retour.
Il prierait pour qu'elle le protège.
— J'en prendrai soin, promis.
— T'as intérêt, sinon...
Ne pas pleurer. Ne pas pleurer.
Il pensait que le fait d'avoir des spectateurs rendrait les au revoir plus simples, mais son cœur était toujours lourd et douloureux. La seule chose qui l'empêchait de ne pas craquer, c'était le fait qu'Elijaï lui avait demandé de ne pas pleurer.
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Bonsoir,
Je vous souhaite à tous une belle année 2022. Que vos vœux se réalisent. Bonne santé à vous et tout votre entourage, prenez soin de vous ! ❤️
Voici un chapitre assez court. J'essaye de poster la suite très vite. Désolée, ce ne sont pas les plus joyeux que je poste en ces jours de fête 😅
À très bientôt,
⭐Joyce.
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Le Requiem du loup
Roman d'amourEntre Valérian et Elijaï, c'est une évidence, un don, une odyssée. Valérian a beau résister, le Chasseur détient depuis toujours des droits sur son âme, ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne s'abandonne entièrement. L'arrivée de Caspian d...