Chapitre 66

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Valérian avala avec difficulté le dernier morceau de pain de son petit-déjeuner. La bouchée, bien trop grosse, faillit lui rester en travers de la gorge.

— Tu es certain que c'est bon ? demanda sa mère pour la énième fois.

— Mais oui, tout va bien. Je n'en peux plus de rester allongé.

Ils avaient quitté Avalon deux semaines plus tôt et le trajet commençait à peser. Les deux premiers jours, il n'avait fait que somnoler, étourdi par les médicaments, voyageant dans un chariot aménagé. Il avait ensuite pu se redresser et s'asseoir un peu aux côtés de Kylian, qui conduisait les chevaux. Néanmoins, la fatigue et la douleur le gagnaient en moins d'une heure.

Cela faisait trois jours qu'il se sentait pleinement rétabli, mais ses parents ne semblaient pas prêts à le laisser prendre le moindre risque. Ils avaient négocié une dernière journée de repos avant de le laisser chevaucher avec les troupes.

Le Messager rajusta sa cape rouge et passa ses doigts dans ses cheveux afin de vérifier qu'ils étaient correctement coiffés. Il quitta ensuite la tente, le cœur battant étrangement vite. Ses pas le menèrent à travers le camp en effervescence. Les Soldats repliaient les tentes, terminaient leurs déjeuners, préparaient leurs chevaux.

La frustration était de plus en plus présente. En tant que membre de la noblesse, Valérian dormait dans la partie réservée à la famille royale. Ses parents et Risza se montraient presque trop étouffants, à vouloir le garder près d'eux, l'incitant à rester coucher, à boire des potions pour l'aider à dormir ou à chercher à le gaver. Il avait repris des couleurs, presque retrouvé son poids de forme. La seule chose qui lui manquait, c'était ses amants. Ces derniers avaient des journées bien trop remplies. Démonter le camp, préparer leurs montures, partir en reconnaissance, escorter le convoi, dresser à nouveau le camp avant la tombée de la nuit, effectuer des tours de garde. Valérian les voyait peu. Cette situation le rendait aussi fou que malheureux.

— Fiche-moi la paix à la fin, grommela une voix familière.

Valérian jeta un coup d'œil à Eckyo, qui se hissait souplement en selle malgré une épaule et un bras immobilisés. À ses côtés, Nawaki colla sa truffe contre son flanc en voie de guérison, mais fut aussitôt repoussé. Le Chasseur lâcha un soupir agacé et talonna sa monture. Bien loin de s'en émouvoir, le Loup lui emboîta le pas en remuant la queue.

Le jeune homme avait-il eu un nouveau coup de cœur ? Valérian fronça les sourcils. Pourquoi avait-il fallu que ce soit Eckyo ?

Le Messager pressa le pas, saluant d'un hochement de tête ou d'un sourire ceux qu'il croisait. La plupart détournaient aussitôt les yeux et il devinait leurs messes basses, mais comment leur en vouloir pour leur curiosité ? Après tout, il était à l'origine d'une guerre.

Le poids qui pesait dans sa poitrine s'allégea dès qu'il posa les yeux sur eux. Caspian chargea dans le chariot une caisse et s'écarta pour laisser passer Elijaï, posant une main aux creux de ses reins au passage. Ce dernier déposa son chargement et se tourna vers son amant pour lui adresser un sourire. Ils semblaient à nouveau proches, complices. Ces petits gestes anodins en témoignaient.

Caspian leva en premier les yeux dans sa direction. Il l'avait probablement senti. Les joues soudainement brûlantes, Valérian les rejoignit, les yeux baissés sur ses doigts.

— Tu peux enfin sortir ? se réjouit Elijaï en posant une main sur sa joue.

Le noble hocha la tête et se laissa étreindre à l'abri des regards, derrière le chariot. Deux paires de lèvres gourmandes se disputaient les siennes, s'égaraient dans son cou. Il avait envie de rire, de se laisser fondre entre leurs bras. Pourtant, la réalité les rattrapa bien trop vite. Des ordres fusaient à travers le camp. Il leur fallait reprendre la route très bientôt.

Le Requiem du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant