Le Requiem du loup

Chapitre 33

Valérian s'étira avec bonheur, savourant la douceur de ses draps. Retrouver un cadre familier après de longs mois de vadrouille n'avait pas de prix. Un sourire incontrôlé s'épanouit sur ses lèvres lorsqu'il se remémora la nuit passée. Ses doigts effleurèrent son cou, s'attendant à sentir une blessure, mais sa peau était parfaitement lisse. La morsure infligée par Caspian avait guéri en quelques minutes. Peut-être était-ce un effet de son Don ?

Cette nuit avait été reposante. Il avait dormi d'un sommeil lourd et sans rêve, calé entre ses deux amants, vaincu par le trajet, les vapeurs de la drogue et ses ébats charnels. Ses joues s'empourprèrent. Aux souvenirs se couplaient ses courbatures et sa douleur aux reins. Il pouvait presque les sentir en lui.

Valérian secoua la tête et repoussa la couverture. Il se leva d'un bond, mais ses jambes se dérobèrent et il se rassit au bord de son lit en jurant.

— Il abuse... grogna-t-il.

Ses hanches douloureuses lui rappelèrent la fougue de son amant, sa force et sa dominance. Oui, il s'était entièrement donné, s'était placé sous sa merci.

Le noble se releva avec prudence et ouvrit la trappe qui retenait l'eau de son bain, désormais froide. Il la referma sitôt le bassin vidé et ouvrit les quatre robinets pour le remplir à nouveau. Il alluma la bougie pour laisser la magie opérer et sortit une tenue épaisse pour résister au froid hivernal. Il hésita devant le choix de sa cape. Devait-il garder la rouge écarlate, ou reprendre celle, délavée, des apprentis Messagers ? Il opta finalement pour la première. Aujourd'hui, il n'échapperait pas au Conseil avec les membres de sa garde afin de parler de leur mission. Il la remplacerait par la seconde avant de retourner à l'académie.

Valérian prit le temps de se détendre dans son bain et de passer par les cuisines pour prendre une pomme et un petit pain encore chaud, dans l'espoir de calmer sa faim avant le déjeuner. Il avait des excuses à faire.

Il s'arrêta quelques instants sur les marches de la terrasse qui surplombait les jardins. Il n'avait pas été présent pour assister aux changements. Les fleurs aux couleurs éclatantes avaient laissé place à la pureté blanche des chèvrefeuilles, des jasmins et des hellébores. Quelques viornes hivernales apportaient une touche rose pâle. Une vapeur légère s'élevait d'un arbre tout près, s'échappant des naseaux d'un dragon de terre qui l'observait avec curiosité.

— Désolé, ce n'est pas pour toi, s'excusa-t-il en cachant sa pomme.

Il avança entre les haies taillées avec minutie, inspira l'air frais et revigorant.

— Bonjour.

Le noble tressaillit sous le timbre à l'accent inconnu. Il se retourna, son poignard déjà dégainé et toisa l'homme qui se tenait contre le tronc d'un amandier dont les bourgeons ne tarderaient pas à éclore.

— Qui êtes-vous ?

— Je suis désolé, je ne voulais pas vous surprendre. Je suis Sheytan Hisam, de la couronne de Saharya, se présenta-t-il en se levant. Vous êtes Valérian, je présume ?

L'étranger le salua en se penchant en avant et Valérian l'imita avec maladresse après avoir rangé sa lame. Avant son départ, Risza avait accueilli un prince de Saharya pour une demande en mariage. N'avait-elle pas réussi à se débarrasser de lui ?

Le Messager détailla sa barbe parfaitement taillée et ses yeux d'un marron clair surprenant, surmonté d'un trait de maquillage noir. Un anneau en or encerclait sa narine droite. Il semblait un peu plus âge que lui. La vingtaine, probablement.

Avait-il hérité du Don familial ? Si oui, alors ses pupilles se teintaient d'orange lorsqu'il commandait des scorpions. Cette redoutable magie constituait la défense de son petit pays. Un royaume voisin avait jadis tenté de l'envahir et le Roi avait envoyé un scorpion piquer les chefs de guerre. Il avait négocié la paix contre un antidote. Depuis, Saharya était prospère.