Chapitre 69

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Valérian griffonnait distraitement. Ses notes s'étalaient sur plusieurs pages de parchemin en une écriture fine et élégante. Le retour à la capitale n'avait pas été de tout repos. Les réunions s'enchaînaient, le bilan des pertes humaines et matérielles pesait bien plus lourd maintenant que la vie reprenait son cours normal, loin de la guerre. Cinquante-deux hommes et femmes avaient perdu la vie. Cinquante-deux familles détruites qui faisaient désormais face au deuil.

Il avait également fallu organiser le retour des Louveteaux dans leurs familles. Les plus proches étaient venues les chercher directement au palais, mais d'autres se trouvaient à plusieurs longues semaines de marche. C'était tout un réseau qui s'était créé, une chaîne d'entraide. Certaines meutes avaient accepté de prendre avec eux des Louveteaux, afin de les amener à certains points stratégiques où les rejoindraient leurs familles. Ils seraient escortés par des Soldats royaux. Le jeune Loup noir était resté sans nouvelle de sa famille, probablement un couple de solitaires qui ne s'étaient pas manifesté. Il avait donc été placé dans la meute de Sanji et Aïden.

Son départ avait été difficile. Valérian était tiraillé entre l'angoisse de le laisser prendre son envol et le soulagement de le savoir dans cette meute. Parviendrait-il à reprendre sa forme humaine ? Arriverait-il à panser ses blessures psychologiques ?

Le jugement d'Avalon par le tribunal inter-royaume n'aurait lieu que dans plusieurs mois, le temps de remettre en ordre les évènements. Pour le moment, le trône restait vacant puisqu'aucun héritier n'était en vie. Le Conseil prenait les décisions par intérim, mais un nouveau souverain devait être rapidement couronné, avant qu'une guerre civile n'éclate. Qui serait assez bon pour redresser un royaume dévasté, pour prendre la place du « roi fou » ? Valérian avait souvent prié pour que Solior ait trouvé la paix qu'il recherchait tant.

Pour leur plus grand déplaisir, Caspian et Elijaï se retrouvaient également fort occupés. Les Chasseurs avaient leurs morts à pleurer, leur hiérarchie à réorganiser. Ils passaient leur temps loin d'ici, dans le fort d'Alfaé, à plus d'une demi-journée de cheval de lui. En une semaine, Valérian ne les avait croisés que quatre fois. Et à chaque fois, les cernes de Caspian semblaient plus grandes. Il le sentait ailleurs, sur les nerfs. Comme aujourd'hui. Les pupilles du Loup ne cessaient de dévier en direction de la fenêtre, ses mâchoires se contractaient parfois, quand ce n'étaient pas ses poings qu'il cachait sous la table.

Valérian échangea un regard avec Elijaï, mais ce dernier pinça les lèvres. Il ne savait pas ce qu'il se passait.

— Merci à tous, déclara Risza. La séance est levée.

Les Conseillers rangèrent rapidement leurs affaires. Il y avait tant à régler, tant à penser. Le palais fourmillait, la fatigue s'accumulait. Le noble ordonna rapidement ses papiers et rejoignit ses amants dans le couloir. Ils ne disposaient que d'une petite demi-heure avant leur départ.

Valérian étreignit Caspian, posté devant une porte-fenêtre. Elijaï se posta derrière le Loup, passa une main dans ses mèches rousses. Il tremblait.

— On peut sortir ?

À croire que Caspian ne supportait plus les lieux clos. L'extérieur gagnait toujours sa préférence. Malgré la fraîcheur de l'air, ils n'hésitèrent pas une seule seconde. Valérian l'observa inspirer à pleins poumons. Son torse se gonfla, ses paupières fermées tressautèrent.

— Caspian... murmura le Messager. Qu'est-ce qu'il se passe ?

Le Loup contempla sa propre main, effleura sa poitrine, puis balaya le paysage du regard.

— J'en sais rien... Je ne comprends pas, j'ai l'impression que quelque chose m'échappe.

Il paraissait à la fois abattu et nerveux.

Le Requiem du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant