Le Requiem du loup

Chapitre 57

Solior se présenta face à deux Gardes qui lui ouvrirent une porte. Valérian entra à contrecœur lorsque le roi l'y invita. Aussitôt, la porte se referma derrière eux et il se figea, le temps que ses yeux s'habituent à la semi-obscurité. La pièce était tamisée, tout juste éclairée par des sphères qui changeaient paresseusement de couleur. Une fumée légère flottait dans l'air lourd, presque suffocant.

Des ombres se mouvaient derrière des voiles sans qu'il ne cherche à les identifier ou à les comprendre. Son ouïe suffisait. Des râles, soupirs et gémissements s'élevaient. Valérian écarquilla les yeux et plaqua un avant-bras sur le bas de son visage en retenant sa respiration, mais il savait que c'était déjà trop tard. La drogue circulait dans ses veines depuis qu'il avait passé l'embrasure de la porte.

Il se retourna et écarta sans ménagement Solior, mais la sortie était à présent verrouillée. Le roi lâcha un ricanement.

— Tout va bien, lui assura-t-il. Ils ne te feront rien.

Valérian toussa, tandis que la chaleur lui montait aux joues et qu'un vertige menaçait. Il n'avait pas sa place ici. Il suivit des yeux Solior, qui avança sans hésitation entre les voiles transparents jusqu'à un canapé libre. Le souverain lui fit signe, mais il secoua la tête en clignant des paupières dans une mince tentative de garder un esprit clair. Déjà, son esprit s'engourdissait, ses sens s'affûtaient.

Des mains saisirent ses bras, s'invitèrent dans son dos, dans le creux de ses reins, afin de le contraindre à avancer et il se débattit mollement.

— Laissez-moi, ou alors...

Sa menace s'envola lorsque son corps le lâcha. Ce traître s'affala près du roi et Valérian ferma étroitement les paupières pour se soustraire aux danses lascives qu'il devinait autour de lui. Ses habits de bal pesaient sur lui, brûlaient sa peau devenue trop sensible. Pourtant, ils étaient son seul rempart contre cette folie. Il entendait des pas s'approcher, des murmures, des rires légers, des caresses, des habits froissés. Comme promis, personne ne s'intéressa à lui.

Solior souhaitait-il seulement le garder sous les yeux, afin de le surveiller ?

Une main frôla sa nuque. Il se raidit et la chassa en jetant un regard assassin à l'inconnue qui s'éloignait déjà en pouffant. Valérian regarda résolument devant lui, fixant la mosaïque qui entourait un bassin. De sa place, il pouvait sentir la chaleur de l'eau qui s'élevait en vapeur humide.

Son cœur battait trop vite sous l'effet de la drogue. Il tentait de le réguler par des inspirations lentes, mais son esprit se brouillait. Malgré lui, son corps réagissait à son environnement, au doux poison qui circulait dans son sang, dilatait ses pupilles. Que n'aurait-il pas donné pour être en compagnie de Caspian et Elijaï ? Les dernières nuits passées avec ses amants venaient le hanter. C'était leurs soupirs qu'il entendait, leurs cris qui s'élevaient, leurs jouissances qui raisonnaient à ses oreilles. Ainsi, il supportait mieux ce moment.

Il ne voulait pas voir le jeune homme qui chevauchait Solior près de lui. Il ignorait le claquement de leur peau, l'éclat blond des boucles du premier, les ordres murmurés du roi. Ou peut-être qu'il les écoutait un peu, en s'imaginant avec Elijaï, sous l'œil appréciateur de Caspian.

Valérian esquissa un sourire, alors qu'un rire incontrôlé s'échappait de ses lèvres. Le roi s'envoyait en l'air pendant que ses prisonniers s'enfuyaient. Tandis que son plaisir éclatait, eux se trouvaient loin. Leur allure ne faiblissait pas. Caspian savait probablement qu'il devait mettre le plus de distance possible, afin que Syn ne soit pas en mesure de les rattraper. Les prochaines heures seraient décisives.

Sa tête bascula contre le dossier et il ferma quelques instants les paupières. Son Loup n'était-il pas le meilleur ? Caspian avait tenu sa promesse. Même si son cœur pesait lourd et qu'il rêvait de leur hurler de l'attendre, le noble savait que désormais il n'avait plus rien à perdre.