Valérian grimaça de douleur en s'arrachant la peau près de l'ongle de son pouce. Cette mauvaise manie était revenue sans qu'il ne s'en aperçoive. Dehors, une nuit d'encre était tombée. D'épais nuages cachaient la lune et les étoiles. Il avait beau scruter l'extérieur, il ne voyait rien, ne pouvait que deviner la position des Loups avec qui il avait tissé un lien. Pourquoi étaient-ils dehors par ce froid ? Le vent hurlait entre les branches et les pierres du château.
Assis sur son lit, le dos contre le mur et ses bras étreignant ses jambes, il attendait, incapable de trouver le sommeil. Comment aurait-il pu dormir, alors même qu'il ne savait pas comment rejoindre Elijaï ? Son Chasseur avait-il un couchage ? Une couverture assez chaude ? L'imaginer dans une cellule sombre et froide lui retourna l'estomac, alors même qu'il ne s'alimentait presque plus. Il ne touchait pas aux repas qu'un domestique lui apportait. La faim l'avait quitté depuis deux jours. Les heures s'étiraient inexorablement et la peur lui nouait le ventre. Qu'est-ce que Solior attendait de lui, exactement ? Le souverain ne lui avait encore rien dit de façon claire.
Une lueur attira tout à coup son attention. Il tourna la tête, le cœur battant à tout rompre, et fixa la silhouette aux couleurs ternes qui venait d'apparaître au pied de son lit. La femme fredonna quelques notes, un doux sourire aux lèvres. Dans ses bras, elle tenait un nourrisson bien emmitouflé dans une couverture.
Paralysé, le noble observa ses longs cheveux blancs, sa belles robes bleu nuit et sa couronne tressée. Elle balaya la pièce de ses yeux verts translucides et la traversa d'un pas léger sans faire attention à lui. Son doux chant résonnait autour d'elle, accentuant sa grâce et sa beauté.
— Tu seras un grand roi, Solior, prédit la jeune mère en berçant son enfant, avant de se pencher, comme pour le déposer dans un lit.
Elle disparut dans un souffle, laissant derrière elle les restes d'une fumée pâle qui s'évapora. Valérian resta pétrifié de longues secondes, avant d'oser respirer à nouveau. Il n'avait jamais cru aux fantômes. Ces derniers n'existaient pas, c'était impossible ! Et pourtant, la dernière reine n'était-elle pas décédée ?
D'une main tremblante, Valérian craqua une allumette et alluma une bougie posée sur sa table de chevet. Comme si cette faible lueur aurait le pouvoir de le sauver d'un esprit maléfique. Comment était-il censé de défendre contre des fantômes ?
Frissonnant de tout son corps, il étendit son lien jusqu'à Lore. Le Mage se trouvait bien dans sa chambre, à plusieurs centaines de mètres de lui. Impossible qu'il l'ait à nouveau ensorcelé. Quel intérêt aurait-il à lui montrer cette illusion ?
— Tu seras un grand roi, Solior.
Le noble retint son souffle, tandis que la silhouette réapparaissait et déposait à nouveau son enfant dans son berceau, avant de disparaître. La peur lui noua l'estomac. Son instinct lui dictait de fuir, mais pour aller où ? L'idée de quitter cette chambre pour se perdre dans les couloirs glacés ne l'enchantait pas plus.
Son sentiment d'insécurité pesait, l'étouffait. Son souffle s'emballa et son corps se mit à trembler de froid.
— Comme tu as grandi !
La silhouette aux couleurs ternes réapparut, assise à même le sol, les tissus de sa robe rouge étalés autour d'elle. Elle tendit les bras en direction d'un enfant qui se mit maladroitement debout et effectua quelques pas, avant de tomber dans les bras de sa mère. L'apparition s'évanouit, l'éclat de son rire résonnant encore dans la pièce.
Un hurlement le fit sursauter. Le jeune prince se recroquevilla dans un coin de la chambre, les mains sur les oreilles, ses yeux écarquillés de terreur braqués sur la fenêtre. Valérian boucha à son tour ses oreilles afin de les protéger de ses cris déchirants qui alourdirent son cœur. C'était le cri de terreur pure d'un enfant. Sa mère traversa la porte pour se précipiter vers lui dans sa tenue de nuit. Elle l'étreignit dans ses bras avec tendresse, le laissa cacher sa tête contre son ventre.
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Le Requiem du loup
RomanceEntre Valérian et Elijaï, c'est une évidence, un don, une odyssée. Valérian a beau résister, le Chasseur détient depuis toujours des droits sur son âme, ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne s'abandonne entièrement. L'arrivée de Caspian d...