Chapitre 53

686 123 40
                                    

Le cœur battant à vive allure, Valérian revêtit la cape la plus chaude qu'il trouva dans l'armoire et glissa dans la poche intérieure un baume aux plantes déniché dans la salle d'eau. Il se redressa, mais se figeant quelques instants lorsque trois coups furent toqués à sa porte, et se retint de s'y précipiter. À la place, il inspira dans l'espoir de se calmer et traversa sa chambre d'un pas mesuré.

— Suivez-moi, ordonna le garde sans préambule.

Le noble hocha la tête et lui emboîta le pas, fébrile. Elijaï avait-il été prévenu de sa visite ? De combien de temps disposeraient-ils ? Solior ne lui avait rien dit durant le déjeuner et, apparemment, il ne le reverrait que le lendemain puisqu'il était en déplacement pour affaires. Ses yeux observèrent autant de détails que possible. Sa carte mentale du château évolua à mesure qu'il parcourait des couloirs inconnus. Il s'enfonça de plus en plus bas, descendit un escalier en colimaçon étroit et se retrouva finalement devant un long couloir bordé de plusieurs dizaines de portes. Il fixa la troisième à sa gauche et l'émotion lui noua la gorge. Il était si près.

Sans un mot, le Garde tira un trousseau de clefs et déverrouilla la cellule. La porte s'ouvrit en grinçant dans ses gongs. Valérian s'engouffra sans hésiter dans l'ouverture et se figea, le temps que ses yeux s'habituent à l'obscurité. La porte se referma derrière lui et il eut un mouvement de recul lorsqu'un bruit de ferraille teinta. Plaqué contre les planches en bois, il posa une main sur son cœur effrayé.

Elijaï se tenait devant lui, les poings levés comme s'il avait été prêt à le frapper, mais que les chaînes accrochées à ses poignets l'avaient retenu. Le Chasseur cligna des yeux, hagard, et recula d'un pas.

— Valérian. Je suis désolé, je ne savais pas que c'était toi.

Un bruit étrange s'étrangla dans la gorge du noble, entre le sanglot et le gémissement de soulagement. Le mètre trente-deux qui les séparait disparut lorsqu'il se jeta à son cou et l'étreignit.

— Je suis là, souffla-t-il. Je suis là...

Par la Déesse, que c'était bon de l'avoir contre lui ! Il inspira l'odeur de sa peau, mélange de sa fragrance naturelle épicée, d'un savon blanc et de froid. Ses mains tâtèrent son buste, habillé d'une épaisse tunique aux manches longues usée. D'une main tremblante, il détacha sa cape et en drapa les épaules de son amant.

— Prends ça, ordonna-t-il.

Elijaï saisit son visage entre ses mains et l'inspecta avec minutie.

— Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? Est-ce qu'ils t'ont fait du mal ?

— Non, lui assura Valérian en attrapant ses mains.

Il déposa un baiser sur chacune d'elles. Sa peau était glaciale. La seule source de luminosité provenait de la petite fenêtre de la porte, qui laissait entrer l'éclairage des torches illuminant le couloir des cachots. Elle fut suffisante pour que Valérian remarque les bleus sur son visage et la coupure sur sa joue.

— Ils te font du mal, constata-t-il, la gorge nouée.

— Pas tant que ça. Tout va bien, ça pourrait être pire.

Valérian détourna les yeux pour ne pas qu'il y voit briller ses larmes. Il s'était attendu à une cellule vide et humide, avec un peu de paille dans un coin. Heureusement, l'endroit semblait sec et son amant disposait d'un matelas sommaire posé à même le sol et d'une couverture, bien qu'elle lui semblât trop fine pour l'hiver. Le Messager prit le baume et l'ouvrit avant d'en plonger un doigt.

— Bouge pas.

Il l'étala en fine couche sur ses bleus en veillant à ne pas trop appuyer, ainsi que sur sa coupure. Son visage se crispa de douleur, mais aucune plainte ne franchit ses lèvres.

Le Requiem du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant