Chapitre 40

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Cher Elijaï,

J'espère que tu vas bien. Je suis désolé si quelque chose ne t'a pas plu dans ma dernière lettre. Tu n'es pas obligé d'accepter. C'était un passage à vide, juste une idée passagère. Tout va bien.

Comment se passe ton apprentissage ? Donne-moi de tes nouvelles dès que tu auras le temps.

Je t'embrasse.

Valérian.

Le noble considéra sa lettre d'un regard vide. Comme son contenu, rempli de mensonges. Il avait vraiment été sur le point de le rejoindre. Non, tout n'allait pas bien. Il ne savait même plus quels mots coucher sur le parchemin, n'avait rien d'important à raconter. Elijaï n'avait jamais répondu à sa lettre. Ses sentiments n'avaient pas trouvé de retour.

Neuf mois sans nouvelle.

Elijaï devait être occupé. Tel qu'il le connaissait, il devait se donner corps et âme et ne souhaitait probablement pas être déconcentré.

Valérian inspira afin de masquer son trouble et accrocha un sourire à ses lèvres. C'était presque trop facile de berner le monde autour de lui. Faire semblant devenait naturel, de plus en plus facile.

— Valérian ! s'exclama Samara, la mère d'Elijaï. Quel bonheur de te revoir, ça fait si longtemps.

— C'est vrai que ça faisait longtemps.

— Je peux faire quelque chose pour toi ?

— Je passais simplement dans le coin, mentit le Messager. Comment allez-vous ?

— Bien, très bien ! Et toi ? Je te sers quelque chose ?

Était-ce mal de venir ici avec ses mensonges et ses arrières-pensées ?

— Ne vous dérangez pas.

— Penses-tu ! Ne bouge pas.

Valérian la regarda s'éloigner sans avoir le temps de répliquer. Il jeta un coup d'œil à la boutique parfaitement rangée. Les lames alignées brillaient sous les rayons du soleil. Dans une vitrine, quelques poignards finement ouvragés étaient exposés. Le sien venait d'ici et avait au moins dix ans. Combien de fois lui avait-il sauvé la vie ? Il n'était pas aussi beau que ceux-ci, dont les lames tranchantes étaient parcourues de fines arabesques. Le sien n'avait pas leur élégance, mais il avait été fait par Elijaï et supervisé par le père de celui-ci. Il avait été conçu pour lui seul.

Samara revint avec un plateau chargé de tasses de thé fumantes et d'une assiette dans laquelle elle avait disposé quelques petits gâteaux. Elle en faisait toujours trop. Le sourire qu'elle lui adressa fut comme un coup de couteau en plein cœur. C'était exactement le même que celui d'Elijaï. Avec ses yeux marron foncé et ses longs cheveux noirs, elle lui rappelait douloureusement son fils.

— Sers-toi, recommanda-t-elle en l'invitant à la rejoindre derrière le comptoir.

— Merci.

Valérian attrapa une tasse sans savoir s'il parviendrait à boire son contenu tant son estomac se trouvait noué.

— Elijaï a l'air ravi de son professeur, s'enchanta Samara. Il en parle avec beaucoup d'admiration. Honnêtement, je suis soulagée. Ce Kirua... Il était tellement heureux de pouvoir être son apprenti. J'ai cru qu'il ne se remettrait jamais de cette déception. Finalement, il n'a rien perdu et je pense même qu'il a gagné au change. Ce n'est pas un maître qu'il a, mais deux. Même si Mina est une Mage, c'est rassurant de savoir qu'elle garde un œil sur lui.

— Effectivement.

Valérian baissa les yeux sur sa tisane et but une gorgée. La brûlure était presque une délivrance.

Le Requiem du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant