Chapitre 47

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 — Je suis navré, je n'ai pas de chevaux à vous confier.

— Ne vous en faites pas. Vous avez déjà fait beaucoup. Merci pour votre hospitalité.

Valérian s'inclina avec respect et endossa le sac que le Mage leur avait donné, contenant des couvertures supplémentaires, des vêtements de rechange ainsi que des provisions.

— Merci pour tout, Omrah. N'hésitez pas à passer nous voir si vous vous rendez à Zeldya.

— Bien sûr. Soyez prudents.

Valérian hocha la tête et ferma les yeux lorsque le vieil homme traça une rune sur son front. Aussitôt, son corps devint plus chaud, plus fort. La fatigue et les courbatures s'envolèrent. Il fit de même avec Elijaï et leur adressa un dernier sourire bienveillant.

— C'est tout ce que je peux faire. Le sortilège ne durera qu'une journée.

— Merci.

Valérian toucha son front, puis son cœur, dans un signe de remerciement et de respect. Omrah leur ouvrit la barrière magique et la referma derrière eux. Le Messager inspira et dressa ses cartes mentales pour s'orienter. Tout droit au nord-est. Ils y seraient dans une vingtaine d'heures. Leurs compagnons d'infortune se trouvaient à une cinquantaine de kilomètres. Ils les attendraient au premier village d'Avalon.

En début d'après-midi, le ciel d'un bleu limpide se couvrit d'épais nuages gris clair. Les premiers flocons tombèrent en virevoltant dans un silence troublant. La neige étouffait les sons. La magie d'Omrah les protégeait du froid et de la fatigue, mais pas de l'effort. La poudreuse qui montait jusqu'à leurs mollets ralentissait leur progression. Valérian maudissait Elijaï d'avancer si vite, sans paraître gêné ni essoufflé.

— On n'est pas prêt d'arriver, soupira Elijaï en tendant une main vers la bretelle de son dos sac. Donne-moi ça.

— Je suis Messager moi, pas Chasseur, se défendit Valérian. Je n'ai pas l'habitude.

— Si Monseigneur veut bien me donner ce qu'il a sur le dos, peut-être avancerions-nous plus rapidement.

Il se moquait clairement de lui. Valérian serra les dents et ôta son sac. Parfait, si cela l'amusait ! Il plaqua son paquetage contre le torse du Chasseur et le dépassa d'un pas rageur, appréciant secrètement sa légèreté retrouvée.

— C'est pas humain, grogna-t-il en secouant la tête pour faire tomber la neige qui s'accumulait sur sa capuche.

— C'est bien pire à Arenden, crois-moi.

Valérian lui jeta un regard de travers. Peut-être aurait-il pu le croire si Elijaï avait répondu à ses lettres. Comment osait-il lui en parler de façon si légère ?

— Heureusement que tu avais d'autres distractions, railla-t-il.

— C'est certain, confirma le Chasseur avec une certaine prudence.

— T'es qu'un con, Elijaï.

Ces quelques mots soufflés tout bas ne furent pas prononcés assez forts pour atteindre leur cible.

— Quoi ?

— Rien.

Valérian balaya le paysage d'un regard triste. Quel genre de distraction avait-il bien pu rencontrer pour l'oublier ? Malgré leur jeunesse, il avait toujours été persuadé qu'entre eux, c'était une évidence, plus fort que tout. Était-ce seulement dans sa tête ? Elijaï l'avait-il vécu comme une amourette adolescente que le temps avait fini par briser ?

Elijaï avait continuer à avancer, alors que son monde à lui avait cessé de tourner. Il passa ainsi plusieurs heures à se torturer l'esprit, le regard fixé sur le sol pour ne pas déraper. De temps en temps, il jetait un coup d'œil à son Chasseur, comme pour s'assurer qu'il était bel et bien là. Comment parvenait-il à être si silencieux sur la neige ? L'avoir sous les yeux sans parvenir à sentir leur lien le perturbait. Il était tel un fantôme.

Le Requiem du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant