Valérian détourna les yeux et jura mentalement contre lui-même. Ses prunelles se retrouvaient sans cesse attirées par la silhouette d'Elijaï qui chevauchait devant lui. Sa cape d'un noir profond voletait à chaque souffle d'air, lui donnant l'illusion d'être face à une créature pourvue d'ailes. Un ange déchu, probablement.
Qu'est-ce qui faisait le plus mal ? Le fait qu'Elijaï refuse de le regarder ou bien le fait qu'il ne lui ait pas adressé un mot depuis leur départ ?
La forêt Boréale grandissait peu à peu devant eux, ils y seraient dans moins d'un kilomètre. Au-delà se trouvait le royaume d'Avalon. Il s'y était rendu plus jeune avec sa mère, celle de Risza et son amie, si bien qu'il parvenait à se repérer assez facilement. Il avait complété sa préparation en étudiant des cartes détaillées de la zone qu'ils traverseraient. Le voyage vers leur destination ne leur prendrait désormais pas plus de quatre jours.
La température sembla chuter un peu plus lorsqu'ils pénétrèrent dans les bois. Le vent s'engouffrait parfois entre les arbres dans un sifflement inquiétant, les troncs et branches sans feuilles ressemblaient à des squelettes difformes. Une lueur voleta jusqu'à lui et lui tendit une main. Une fée s'y posa, pas plus grande que son index, et lui adressa un signe de la main et battant des cils. Valérian esquissa un sourire.
— Bonjour, souffla-t-il.
Il ignora le coup d'œil d'Elijaï, mais baissa tout de même les yeux et se tassa sur lui-même, comme s'il pouvait disparaître. Autour de lui, ses compagnons de voyage saluaient à leur tour les minuscules créatures, semblables à des lucioles. La fée reprit son envol, virevolta autour de sa tête quelques secondes et disparut à travers les arbres. Valérian la suivit des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse.
Il fut un temps où le regard d'Elijaï le faisait se sentir fort, fier, aimé. Aujourd'hui, c'était à peine s'il osait respirer, de peur de le déranger. Ses œillades sombres s'apparentaient à des coups de poignard en plein cœur.
— Arrêtons-nous ici pour la nuit, proposa Sanawel. Profitons des derniers rayons du soleil pour dresser le camp.
— Enfin, soupira Valérian en descendant de son cheval.
Son corps se trouvait raidi et courbaturé.
— Aurais-tu mal à ton royal fessier ? se moqua Sanawel.
Pour toute réponse, Valérian lui adressa un regard noir et se baissa pour amasser de la neige et lui lancer une boule qu'il évita avec souplesse. Il essuya les rires des Soldats et récolta un étrange regard de la part d'Elijaï, dont même le coin des lèvres ne frémit pas.
Pendant que les autres s'activèrent à monter le camp, Valérian s'occupa des chevaux. Il attacha une corde entre deux arbres et les y attacha. Il les descella, les pansa et leur distribua leur ration de granulés. Lorsqu'il eut fini de veiller sur leurs sept montures, la nuit était tombée. Au centre de leur camp se dressait un feu, sur lequel leur repas était en train de se réchauffer. Les deux Chasseurs achevaient de placer leurs pièges autour d'eux, qui ne manqueraient pas de les avertir si quelques créatures osaient s'aventurer trop près.
— Merci, murmura Valérian en s'asseyant à l'entrée de sa tente, les mains tendues vers les flammes.
Il ne savait pas bien qui il remerciait en particulier, mais il lui tenait à cœur de partager sa gratitude. En tant que Messager, il était habitué aux longs voyages, mais il bénéficiait la plupart du temps du confort des auberges ou tavernes. Il campait rarement et ce genre d'organisation lui échappait complètement.
— Ça me rappelle le bon vieux temps, souligna Sanawel en prenant place à sa droite.
Valérian esquissa un sourire et se retrouva projeté quatre ans plus tôt, alors qu'ils sillonnaient le royaume pour rendre visite aux meutes. Tout cela remontait à une éternité. Un temps où Elijaï et lui s'aimaient ardemment, où Caspian était encore en vie et le faisait frémir d'impatience, même à des centaines de kilomètres. Il avait donné des mois entiers de sa vie pour les Loups. Des Loups qui avaient par la suite détruit sa vie.
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Le Requiem du loup
RomanceEntre Valérian et Elijaï, c'est une évidence, un don, une odyssée. Valérian a beau résister, le Chasseur détient depuis toujours des droits sur son âme, ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne s'abandonne entièrement. L'arrivée de Caspian d...