Chapitre 60

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Valérian se figea et esquissa un sourire lorsque les Louveteaux derrière lui s'arrêtèrent également. Il avança à nouveau de quelques pas, ses nouveaux protégés sur les talons, et se stoppa. Lorsqu'il se tourna vers eux, leurs oreilles s'orientèrent dans sa direction et ils remuèrent la queue. Au fils des jours, il commençait à les reconnaître, à repérer les détails qui les différenciaient les uns des autres.

Leur méfiance s'était envolée de façon presque trop rapide. Il lui avait suffi de leur parler, de leur accorder de l'attention. C'était tout ce que ces enfants cherchaient. Leur Alpha se montrait trop peu présent, ne leur accordait pas l'once d'un attachement émotionnel. N'était-ce pas ce qui faisait la force d'une meute en temps normal ? Malgré la distance que Syn instaurait entre eux, les Louveteaux n'avaient de cesse de tenter leur chance dès qu'ils le voyaient. Le chef attendait aussi patiemment que possible que chacun se frotte à lui pour échanger leurs odeurs, mais il se détournait de leurs jeux et de leurs demandes d'affection ou de consolation.

Le Messager étala dans l'herbe desséchée un drap blanc sur lequel il avait tracé à l'encre des lettres. Aussitôt, les truffes humides le reniflèrent. Un Loup marron se coucha dessus, se roula sur le dos, bientôt imité par deux autres.

— Non, attendez ! soupira Valérian, malgré lui amusé. Je veux connaître vos prénoms. Ceux qui peuvent me le montrer, allez-y.

Ceux qui avaient été enlevés après avoir appris à lire ou, du moins, à écrire leur prénom. Sans surprise, sa demande sema le chaos. Chacun d'entre eux voulut être le premier. Bousculades, grognements, en quelques secondes, une bagarre éclata et deux Louveteaux se disputèrent le drap en tirant chacun de leur côté, faisant craquer le tissu.

— Non ! Écartez-vous !

Valérian passa ses mains entre deux poitrails et sépara les deux Loups qui grondaient. Par la Déesse, c'était trop de travail de gérer ces enfants ! Et pourtant, c'était aussi ce qui le faisait tenir.

— Je ne veux plus voir personne sur le drap, sinon je le reprends et je rentre.

Aussitôt, les Louveteaux s'écartèrent. Un à un, ils s'approchèrent pour toucher les lettres de leur museau. Ennio. Lombya. Krista. Jenna. Milo. Sandro...

Enfin, il mettait des prénoms sur ces Loups. L'un d'eux s'approcha, avec sa fourrure couleur miel et son cœur se serra lorsqu'il désigna le « S », puis le « A ».

— Sasha, murmura le noble en s'agenouilla.

Le Louveteau jappa en s'approchant de lui, remuant la queue joyeusement. Il posa une main contre sa joue et il s'y blottit malgré sa taille imposante.

— Je connais ton frère Emyr et ta sœur Kya. Ils étaient dans mon école.

Les oreilles du Loup s'agitèrent en entendant ces prénoms familiers. Depuis combien de temps ne les avait-il pas entendus ? Au moins quatre ans. Un gémissement s'échappa de sa gueule.

— Tu les reverras.

Valérian se força à sourire. Il n'avait pas le droit de se montrer malheureux devant eux. Un dernier Loup s'avança. Un petit être noir aux bouts des pattes blanches qui ne devait pas avoir plus de cinq ans. Il gambada fièrement sur le drap en touchant des lettres de son museaux. Valérian s'obligea un peu plus à sourire, alors que son cœur se brisait en comprenant que le Louveteau ne faisait qu'imiter ses congénères, sans réellement savoir ce qu'il faisait. Il devait être trop jeune pour savoir lire.

Le Louveteau se laissa tomber sur le côté, roula sur le dos et gigota, les pattes en l'air et la langue sortie. Valérian saisit un pan du drap et le recouvrit avec en riant. Il se débattit en grognant, rapidement rejoint par quelques jeunes Loups.

Le Requiem du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant