Chapitre 18

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 — C'est l'heure.

Ces quelques mots, soufflés dans le silence de l'aube, sonnaient comme le commencement d'une nouvelle aire. Ils y étaient. Les enfants et adolescents d'autrefois n'existaient plus, ils entraient dans l'âge adulte, avec les responsabilités qui leur incombaient désormais.

Valérian garda le silence. Il ferma étroitement les paupières, afin de se soustraire encore un peu à cette réalité, et frotta lentement son nez contre la clavicule de son amant, inspirant son parfum. Les doigts d'Elijaï montaient et descendaient le long de son dos depuis une bonne heure, s'égaraient parfois sur son bras ou son visage. Ses caresses légères avaient réussi à détendre ses muscles, avaient endurci son cœur.

La nuit avait été courte. Il avait veillé une bonne partie, fixant le plafond en tentant d'éloigner ses craintes. L'inquiétude de savoir Elijaï sur la trace de Démons encore inconnus. Le désespoir de le laisser partir, alors qu'il lui en voulait encore d'avoir refusé sa Marque. La jalousie de l'imaginer s'éloigner avec Caspian, Emyr et Kya. L'appréhension de sa propre solitude.

Elijaï cessa ses faveurs et déposa un baiser sur son front. La gorge nouée, Valérian se redressa pour le libérer et le suivit hors de son lit à contrecœur. Ils se rhabillèrent dans la pénombre sans un mot, alors même que l'apprenti Messager avait tant de choses à lui dire. Était-ce trop tard pour le supplier de rester ? Il le suivit en silence à travers les couloirs et son cœur s'emballa un peu plus lorsqu'il croisa le regard de Caspian, qui verrouillait la porte de leur chambre.

— Enfin ! J'ai cru que j'allais devoir venir te chercher. Tes affaires sont là, annonça-t-il.

— Merci.

Elijaï s'empara du sac posé contre le mur et le hissa sur ses épaules.

— Cette fois, c'est parti. C'est enfin concret ! s'enthousiasma Caspian.

— J'ai hâte, avoua son colocataire. On va enfin pouvoir montrer ce qu'on vaut.

Valérian avisa leurs sourires et s'en voulut aussitôt d'éprouver de la rancœur. N'était-il pas en train de jouer les égoïstes ? Ils portaient leurs capes gris foncé avec fierté, leurs esprits s'égaraient déjà à des kilomètres sur le futur champ de bataille qu'ils s'imaginaient. Leurs cœurs appartenaient aux Chasseurs.

Valérian accueillit avec soulagement l'air frais de la nuit. Quelques étoiles brillaient encore faiblement au-dessus de leurs têtes, mais l'horizon commençait à s'éclaircir. Ils se dirigèrent vers les écuries, entourés d'autres apprentis.

Il ne leur arriverait rien.

Au loin, les flammes des torches dansaient, éclairant les lieux pour leur permettre de préparer chevaux et matériel. Elijaï avança droit vers un alezan, dont il flatta l'encolure.

— Prends Epona, lâcha Valérian sans réfléchir.

Son amant lui jeta un regard surpris.

— C'est ta jument. Je n'en ai pas besoin.

— Prends-là quand même ! insista-t-il. Elle a été dressée au palais, elle est faite pour les missions.

— Comme tous les chevaux ici présents, souligna l'apprenti Chasseur avec douceur.

Valérian serra les dents. Pourquoi refusait-il de comprendre ? Il avait confiance en son destrier, fait pour les longs trajets, rapide et prompt aux combats. Epona était chère à ses yeux, mais il était prêt à la confier à son meilleur ami.

— Elle te manquerait trop, s'amusa Elijaï en commençant à brosser son équidé.

L'apprenti Messager baissa les yeux sur l'animal qui profitait des dernières minutes pour mâchonner les restes de son foin. Il tendit une main vers lui et il releva la tête pour inspecter sa paume, dans l'espoir d'y trouver un bout de pomme. Valérian caressa le velours de ses naseaux.

Le Requiem du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant