Chapitre 15

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Valérian inspira profondément, afin de savourer l'air frais du début de soirée, mais plus encore dans l'espoir de refouler la douleur qui s'épanouissait au creux de ses entrailles. Pour la première fois depuis qu'il avait repris conscience, il avait reçu l'autorisation de se lever pour sortir. Deux longues semaines, durant lesquelles il avait oscillé entre un sommeil lourd et une semi-conscience douloureuse et fiévreuse. Les soins magiques qu'ils avaient reçus avaient aidé son corps à se remettre de ses blessures. En se libérant de force, son Don lui avait causé de sérieux dégâts internes, perforant ses organes et provoquant des hémorragies. Les chairs de sa cuisse avaient été refermées, mais ses muscles étaient toujours raides.

Son regard d'or balaya l'horizon, où le soleil commençait à se coucher, teintant les cieux de couleurs chaudes. Les jardins royaux s'endormaient lentement. Les oiseaux gazouillaient avec paresse, quelques dragons de terre s'étiraient, choisissaient un arbre dans lequel passer la nuit et se posaient dans un tourbillon de pétales parfumés.

Caspian s'approcha de l'un d'eux et tendit une main que la créature s'empressa de humer. Ses doigts frôlèrent son museau et il écarquilla les yeux, probablement surpris par la douceur de ses écailles et la tiédeur de son souffle. Valérian esquissa un sourire attendri devant le spectacle. Il redécouvrait les jardins royaux à travers son regard émerveillé. Il se plaisait à l'observer contempler le paysage, évoluer sur ce terrain si familier. Chez lui.

Il croisa ses iris bleus et détourna aussitôt les siens, le cœur battant. Il n'avait pas encore réussi à trouver le bon moment pour le remercier correctement d'avoir pris soin de lui. Il ne savait pas comment lui assurer toute sa gratitude, hésitait sur le choix des mots. Et plus le temps passait, plus cela lui semblait aussi urgent que ridicule.

Il fit semblant de s'intéresser à l'étendue de dahlias, que quelques lucioles survolaient. Le jardinier tentait d'harmoniser les espaces de verdure, mais les dragons de terre et leurs magies mettaient cet ordre à rude épreuve. Les couleurs éclataient en désordre, sans aucun schéma particulier. Néanmoins, c'était ce qui lui plaisait : cette beauté un peu sauvage, ces teintes qui se mélangeaient.

— Regarde, Caspian, appela Risza. Ceci a été ma première déclaration de guerre.

— Oh non, soupira Valérian en enfouissant son visage entre ses mains.

À ses côtés, Elijaï grommela et détourna le regard. Il n'avait pas besoin de voir pour savoir de quoi parlait son amie. Caspian contourna le saule pleureur pour déchiffrer la gravure. Un cœur creusé dans l'écorce entourait l'inscription « V + E ». Le tronc avait été malmené devant le « E ». Seules quelques personnes savaient qu'à l'origine, un « R » s'était trouvé là. Enfant, Risza avait volé un couteau pour graver un amour fictif, celui que les adultes préconisaient. V + R. Valérian + Risza.

Et puis, Elijaï était passé par ici. À tout juste quinze ans, il avait déjà décidé que ce serait lui, qui l'aimerait le plus. Il avait effacé le « R » pour graver sa propre initiale.

— T'as eu du courage, se moqua Caspian.

— Je n'ai pas dit mon dernier mot, défia la souveraine.

Valérian leva les yeux au ciel, tandis que son amant se décomposait. La surprise de ce dernier laissa rapidement place à une franche détermination, exempte de la moindre hésitation. Le noble se détourna afin de masquer son sourire et de le réprimer. Risza le faisait tourner en bourrique, se moquait ouvertement de lui, et Elijaï n'y voyait que du feu. L'apprenti Chasseur grommela une réponse inintelligible en s'éloignant.

Même s'il tentait de se montrer nonchalant, Valérian savait que ce genre de remarque titillait sa colère. Seul son statut de reine préservait Risza de ses répliques cinglantes.

Le Requiem du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant