Chapitre 59

602 109 20
                                    

 — Valérian, dépêche-toi !

Le noble s'éveilla en sursaut, son exclamation de surprise étouffée par une main. Il écarquilla les yeux en voyant Elijaï, penché au-dessus de son lit, qui posait un index sur ses lèvres pour lui intimer le silence. Aussitôt, son regard se flouta.

Pourquoi était-il revenu ?

— Qu'est-ce que tu fais là ?

— Je ne pouvais pas te laisser.

La peur. Le soulagement. Tout se confondait. Il n'aurait pas dû revenir pour lui, et pourtant... son cœur s'allégeait. Au fond, n'était-ce pas tout ce qu'il avait espéré ? Ses beaux yeux noirs brillaient dans la semi-pénombre du soleil levant.

— Caspian...

— Il va bien, il nous attend dehors. Viens, on ne peut pas traîner.

Le Chasseur saisit sa main et l'entraîna à sa suite. Valérian le suivit tel un automate, peinant à le suivre sur ses jambes tremblantes. Devant sa porte, les deux Gardes étaient inconscients. C'était si simple de marcher dans ses pas, de se laisser porter par sa force.

— Tu étais malade, souffla Valérian.

— Plus tard, le coupa Elijaï en dévalant un escalier.

Valérian resserra sa prise autour de sa main, s'y accrocha de toutes ses forces en cherchant sa chaleur. Comment avait-il fait ? La veille encore son Chasseur parvenait tout juste à Zeldya. Les choses avaient commencé à bouger depuis quelques jours, il l'avait senti. Risza passait plus de temps dans la salle du Conseil, semblait consulter ses généraux. Elle avait compris et l'arrivée d'Elijaï et Caspian à la capitale avait dû apporter les derniers éclaircissements.

Alors comment ?

Valérian frissonna violemment lorsqu'une bourrasque balaya les jardins. Ses pieds nus gelèrent au contact de la neige. Son corps entier se glaça d'effroi, alors qu'il ralentissait, les poumons en feu. Plus haut sur le chemin les attendait Caspian, sous sa forme lupine. Résigné, le Messager ferma les paupières et se heurta à la barrière magique qui le retenait prisonnier. Emporté dans son élan, Elijaï la traversa et se tourna dans sa direction.

— Je ne peux pas, murmura-t-il.

Les regards sombres et turquoise braqués sur lui se durcirent.

— Je n'aurais jamais dû te suivre, lâcha Elijaï. Sans toi, tout ça ne serait pas arrivé.

Valérian redressa le menton et essuya les larmes qui avaient dévalé sur ses joues sans qu'il ne s'en rende compte. Cette pâle copie pouvait bien essayer de lui briser le cœur, elle n'y parviendrait pas. Elijaï et Caspian se trouvaient bien à plusieurs centaines de kilomètres de lui.

Les silhouettes qui lui faisaient face se brouillèrent, s'estompèrent et s'envolèrent. Un mirage qui n'existait plus. Une douloureuse illusion qui se révélait imparfaite à bien des égards.

Le noble frissonna, tandis que ses genoux cédaient et rencontraient la neige. Il y avait cru. Pendant une seconde, il y avait vraiment cru.

— Tu as deviné bien plus tôt que je l'aurai cru, ricana Lore en applaudissant. Qu'est-ce qui m'a trahi ?

— Tout.

Sa voix qui manquait d'adoration, la chaleur de sa peau, le manque d'amour dans ses yeux. Sa prévenance, surtout. Le vrai Elijaï lui aurait demandé comment il allait, aurait pris le temps de le serrer contre son cœur, de saisir son visage en coupe pour l'examiner, l'aurait vêtu de sa cape et ne l'aurait jamais laissé sortir sans se protéger du froid.

Le Requiem du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant