Valérian inspira avec calme, alors que ses yeux suivaient les mouvements réguliers de la cible qui se balançait de gauche à droite. Son corps s'ajusta naturellement, corrigea sa posture millimètre par millimètre jusqu'à atteindre la perfection. Aussitôt, ses doigts s'ouvrirent et la flèche fendit l'air. Elle se planta au milieu du rondin, qui se mit à tourner sur lui-même sous la force de frappe.
Le noble fronça les sourcils. Pas assez rapide. Il avait mis seize secondes à trouver la bonne position, c'était trop long.
— C'est pas un peu trop facile avec ce genre de cible ? questionna Eckyo. Je veux dire... Elle bouge toujours au même rythme et selon le même mouvement.
Valérian leva les yeux au ciel. Il avait deviné la présence de l'apprenti Chasseur derrière lui depuis cinq bonnes minutes. Il avança vers le morceau de bois, le stabilisa d'une main et retira sa flèche de l'autre.
— Si tu veux, je peux te peindre une cible dans le dos et tu cours où bon te semble ?
— Sans façon, merci.
Le futur Messager l'observa piétiner le sable du bout de sa chaussure. Son épée pendait le long de sa jambe gauche.
— J'ai eu des nouvelles de la mission. Apparemment, ils ont affaire à des Détrousseurs.
Valérian plissa le nez à l'évocation des démons. Ces créatures vaguement humanoïdes se tenaient courbées, leurs têtes décapitées leur faisant office de lanterne dans l'obscurité. L'espèce se vendait à prix d'or chez les voleurs, puisqu'à leur approche les serrures se déverrouillaient. Il était impossible de leur échapper en se cachant et leurs chants attiraient les Hommes, les ensorcelaient. Certains d'entre eux affûtaient les os de leurs victimes pour en faire des armes. Les manuels les représentaient parfois brandissant des colonnes vertébrales en guise de fouet.
— Ils vont devoir trouver leur nid et les exterminer, expliqua Eckyo.
— Et... hésita Valérian. Ils sont dangereux ?
— Ils peuvent l'être. Ils sont plutôt rapides et malins, mais une fois qu'ils ont été identifiés, il suffit de se protéger de leur chant.
Valérian ferma les paupières quelques instants. Deux brèves secondes durant lesquelles une partie du poids qui pesait sur ses épaules s'envola. Ils reviendraient sains et saufs. Le bruit du métal glissant hors de son étui lui fit adopter une position de défense. Méfiant, il posa une main sur la garde de sa lame.
— Je croyais que tu ne devais plus m'approcher, souligna-t-il.
— Alors il aurait peut-être dû me briser une jambe.
— Peut-être que c'est moi qui devrait le faire, menaça-t-il en dégainant son arme.
Eckyo leva les mains, comme pour clamer son innocence.
— Je voulais juste m'entraîner un peu.
L'apprenti Chasseur avait retiré le bandage qui entourait encore son poignet la veille. Seul un hématome bleu recouvrait sa peau. Ceux de son visage avaient commencé à s'estomper en jaunissant.
— Quand Elijaï a-t-il fait ça ? s'enquit Valérian, la gorge légèrement nouée.
L'idée qu'il ait usé de la force pour menacer Eckyo et lui arracher la promesse de ne plus l'approcher lui déplaisait autant qu'elle le touchait. Il n'aurait pas dû cautionner cette violence et pourtant...
— Elijaï ? ricana son vis-à-vis. Non, c'est Caspian qui s'en est chargé.
— Caspian ? répéta-t-il dans un souffle.
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Le Requiem du loup
عاطفيةEntre Valérian et Elijaï, c'est une évidence, un don, une odyssée. Valérian a beau résister, le Chasseur détient depuis toujours des droits sur son âme, ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne s'abandonne entièrement. L'arrivée de Caspian d...