Chapitre 36

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Valérian grimaça légèrement lorsque le goût du sang envahit sa bouche. Il n'avait pas remarqué qu'il se rongeait les ongles. Cette manie avait pourtant disparu au début de son adolescence, à force qu'Esméraldya le houspille. Et peut-être aussi à partir du moment où Elijaï avait commencé à essayer de lui tenir la main.

Il constata que sa jambe droite tressautait. Le bruit régulier de son talon qui claquait contre le sol l'agaça. Pourquoi Elijaï mettait-il autant de temps ? Il se leva dans l'espoir d'évacuer son angoisse en faisant les cent pas. Son amant n'était pas rentré directement après ses cours, il avait rejoint le bureau de Syn, dans lequel il était resté près d'une heure. À présent, il se trouvait assis contre un chêne qui bordait l'étang du parc, tandis que la nuit tombait, apportant avec elle son lot d'angoisses.

Si le Chasseur ne le rejoignait pas, c'est qu'il avait besoin d'un moment pour rester seul. Cependant, Valérian ne supportait plus cette attente. Tant pis s'il se montrait une nouvelle fois égoïste. Il revêtit sa cape d'apprenti et le rejoignit en prenant soin d'éviter les autres élèves autant que possible. Melissya et Kelyan avaient tenté une approche, mais ils avait rapidement abandonné devant son manque de réponse. De façon étonnante, même Eckyo avait cherché à lui parler, mais il avait coupé court à la discussion, acceptant seulement ses condoléances murmurées.

— Hey.

Valérian s'installa à ses côtés et tenta un sourire tendre devant son visage fermé.

— Salut.

Elijaï fixait résolument le clair de lune qui se reflétait dans l'eau. L'image se troublait parfois, ondulait sous les vaguelettes dès qu'il jetait une pierre dans l'étang. Pas une luciole ne leur octroyait une lueur chaleureuse. Les grenouilles et cigales les privaient également leurs chants. L'hiver était froid et sombre, silencieux.

— Il s'est passé quelque chose ?

Le silence, encore. Son absence de réponse était un aveu : Elijaï lui cachait une information. Syn avait-il découvert quelque chose ?

— Est-ce que ça concerne Caspian ? s'enquit-il, la gorge nouée.

— Non.

La déception fit plus mal qu'il ne l'aurait cru. Il avait pourtant eu un infime espoir.

— Kirua était présent hier, avoua Elijaï. Il a assisté aux entraînements.

— Ah.

Comment avait-il fait pour manquer son ancien maître épéiste ? En temps normal, il aurait deviné sa présence grâce à son Don, mais tout semblait déréglé.

Elijaï avait-il fait une mauvaise performance devant son futur maître Chasseur ?

— Il t'a dit quand vous partirez ?

La fin de cette première année approchait à grands pas. Quelques apprentis Chasseurs avaient déjà rejoint leurs maîtres afin de poursuivre leur apprentissage sur le terrain. La dernière fois qu'ils l'avaient vu, Kirua était resté vague quant au début de sa formation. Il devait tout d'abord achever celle de son élève actuelle. Et si Elijaï devait partir plus tôt qu'ils ne l'avaient imaginé ?

— Il a changé d'avis, Valérian. Il ne me prend plus comme apprenti.

La honte et la colère transparaissaient dans sa voix. Alors c'était pour ça qu'il refusait de le regarder depuis le début ?

Le noble serra le poing. Comment Kirua avait-il pu lui faire ça ? Il venait briser un des rêves d'Elijaï.

— Pourquoi ? Il n'a pas le droit ! gronda-t-il. Je vais lui parler.

Le Requiem du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant