Le Requiem du loup

Chapitre 54

Caspian braqua sur lui un regard emprunt de folie. Son torse se soulevait avec force, ses dents claquaient et de la buée s'échappait de ses lèvres bleuies. Il se recroquevilla sur le sol dans une vague de frissons. Valérian s'empara de sa couverture et se dépêcha de se le couvrir avec. Sa peau était glacée.

— Caspian ! s'alarma-t-il.

La température de son corps n'avait-elle pas eu le temps de se réguler ? Ce problème survenait souvent chez Louveteaux après leurs premières transformations, mais ils finissaient par s'y habituer. Caspian devait avoir du mal à se maîtriser. Comment l'en blâmer ? Il avait été coincé dans son Loup durant quatre ans. Il devait le réchauffer au plus vite.

Valérian s'éclipsa dans la salle d'eau et alluma la bougie avant de remplir le bassin. Ses gestes s'avéraient imprécis, tremblants, tant il ne pouvait se résoudre à l'abandonner plus de quelques secondes. Il regagna la chambre, ferma la porte restée grande ouverte et poussa la commode devant. Un bien maigre rempart qui, pourtant, il rassura un peu.

Il s'accroupit devant Caspian et son cœur sembla louper un battement lorsqu'il croisa ses iris turquoise. Ses cheveux cuivrés, sales et emmêlés, étaient plus longs, retombaient en mèches autour de son visage qui avait perdu ses derniers traits adolescents. Sa marque, d'un ton plus foncée que sa peau, barrait son nez et le haut de ses pommettes.

— Valérian, appela-t-il d'une voix rauque, cassée.

Son propre ton parut l'étonner. Il porta une main à sa gorge, les yeux écarquillés. Il observa ses mains qui tremblaient, toucha son visage.

— T'es vraiment là, craqua le noble.

Il l'étreignit avec force, le souffle court. Le revoir dépassait ses rêves les plus fous. Il y avait tant de choses qu'il avait souhaité lui dire, qu'il allait pouvoir lui confier. Les bras de Caspian l'enlacèrent enfin, avec une certaine prudence dans un premier temps, puis se verrouillèrent autour de lui. Ils étaient bien plus musclés que dans son souvenir et pour cause, il était à présent un Loup à part entière. Un Loup qui le serrait contre lui comme si sa vie en dépendait, lui coupait presque le souffle et inspirait profondément l'odeur de sa peau. Valérian frémit en sentant son nez glacé contre son cou.

— Il faut que tu te réchauffes.

Il tenta de se dégager, mais Caspian ne relâcha pas son étreinte. Un drôle de grondement s'échappa de ses lèvres, comme s'il avait oublié qu'il n'était plus Loup à cet instant, et ses dents frôlèrent sa nuque. Valérian se figea et son cœur s'emballa dans une brusque embarquée. Son amant glissa une main sous sa tunique et la plaqua contre sa cage thoracique afin d'en apprécier le battement. Les joues brûlantes, le Messager retint un mouvement de recul pour échapper à sa froideur.

Caspian resta contre lui durant de longues minutes, paupières closes. Valérian posa une main sur sa tête, le caressa de son pouce. Peu à peu, l'ancien apprenti Chasseur se détendit. Ses bras s'adoucirent autour de lui, son souffla s'apaisa.

— Viens.

Valérian se dégagea en douceur et attrapa sa main avant de se redresser. Caspian l'imita en prenant appui contre le mur, comme s'il testait l'équilibre de ses deux jambes, et le suivit sans le lâcher du regard. Le noble s'interdit de baisser les yeux lorsque la couverture glissa à terre. Il le conduisit dans la pièce voisine, dans laquelle s'élevaient des vapeurs d'eau. Il lâcha les doigts de son amant et fouilla dans les flacons du meuble pour en sortir un vert, mélange de senteurs de plantes et de fleurs sauvages.

À ses côtés, Caspian se jeta sur sa brosse à dents, y ajouta de la poudre noire et l'enfonça dans sa bouche. Valérian lâcha un petit rire. Il avait trop souvent vu les crocs de son Loup à son goût et les savaient bien blancs. Il lui tourna le dos pour lui laisser de l'intimité et versa le contenu de son flacon dans l'eau. Aussitôt, un parfum de jasmin flotta dans l'air.