Le Requiem du loup

Chapitre 11

Était-ce le fait de se retrouver entouré d'amis qui rendait Valérian tout à coup euphorique ? À moins que ce ne soit l'alcool et son pouvoir désinhibant qui l'aidait à se détendre ? Peut-être un mélange des deux, conjugué à l'étreinte discrète, mais possessive d'Elijaï. Le sourire suffisant, presque arrogant, de ce dernier, marquait une fierté sans borne de pouvoir passer un bras autour des épaules de Valérian. À demi appuyé contre son torse, le futur Messager savourait cette simplicité. Il s'enivrait de cette proximité, se délectait de sa chaleur.

— C'est quand même un sacré avantage d'avoir un Don comme celui-là.

Valérian hocha la tête, alors que son regard déviait en direction de Zénya, l'apprentie Chasseuse de Kirua. La jeune femme, petite et menue, possédait une souplesse féline qui empêchait de la sous-estimer. Aux creux de ses mains, dansait une flamme qui avait pris la forme d'un cheval galopant sur sa peau métissée. Les contours de ses yeux noirs s'illuminaient de rouge, comme si un anneau incandescent entourait ses iris. Autour d'elle, un groupe ne cachait pas son admiration.

— Dit le gars qui peut se transformer en un énorme Loup, pouffa Elijaï.

Valérian frissonna lorsque son souffle s'échoua contre son oreille. Les lèvres de son amant s'aventurèrent dans le creux de son cou pour y déposer quelques baisers distraits. Il esquissa un sourire en lui jetant un coup d'œil complice et porta son verre à ses lèvres. Il avait déjà eu l'occasion de goûter du vin au Palais et celui-ci se révélait bien mauvais, à côté. Pourtant, il l'avait accepté sans protester, trop heureux de se comporter comme les autres.

Son cœur s'emballa une nouvelle fois, alors qu'il croisait le regard de Caspian, assis en face d'eux. L'ivresse avait dû anesthésier sa gêne, car il ne cessait de les fixer sans s'en cacher. Il passait de la fascination à une intensité troublante, en passant par une fierté déroutante. À cet instant, il se faisait brûlant. Valérian s'accrocha aux doigts qui entrelaçaient les siens, refusant de laisser Caspian l'ébranler davantage. Et pourtant, elle était montée, cette soudaine vague de désir. Il se lova contre Elijaï, posa une main sur sa joue pour attirer son attention et happa ses lèvres.

— On y va ? souffla-t-il.

Depuis combien de temps n'avait pas cédé à un moment d'intimité avec lui ? La dernière fois remontait à quelques semaines avant la rentrée. Soudain, ces jours paraissaient une éternité. Les souvenirs de sa peau nue, de ses baisers et de ses gémissements s'imposaient à lui. Cette nuit, il en tremblait d'envie. Les yeux d'Elijaï semblèrent s'assombrir un peu plus, alors qu'il saisissait la promesse que cachaient ses trois mots. Il détourna un instant le regard et Valérian devina sur qui il le posait.

Le noble contempla une nouvelle fois Caspian, tenta de comprendre l'échange silencieux qui le liait à son amant. Sa peau picota, sa nuque se raidit. Il renversa la tête pour avaler la fin de son verre et ignora la brûlure de sa gorge. Il se leva, entraînant Elijaï dans ses pas après avoir brièvement salué ses amis. Le cœur battant, il traversa la foule. Ses doigts se resserrèrent autour de ceux du futur Chasseur, comme craintif de le voir lui échapper, disparaître.

Le rideau glacé lui arracha un frisson. Sitôt la barrière franchie, les conversations se turent. Le silence soudain semblait étrange, la noirceur épaisse qui les entourait le paralysa une seconde.

— Attends.

La voix d'Elijaï résonna entre les murs froids. Il sortit une petite sphère dans un froissement de tissus et l'agrandit. Les sous-sols s'éclairèrent, dévoilant de nombreuses galeries qui s'étendaient probablement sur plusieurs kilomètres sous la surface de la terre.

Valérian jeta un coup d'œil derrière lui. Rien n'indiquait que le couloir désert était en fait un leurre. Un écran né d'un sortilège, au-delà duquel des étudiants s'amusaient. Caspian n'avait pas bougé.