Criminel

LXIV

Depuis l'histoire de Nuray, de nombreuses personnes sont venues nous demander de l'aide, des femmes qui se faisaient battre par leur époux, des propriétaires de locaux qui étaient victimes d'extorsion, et plein d'autres histoires. Mero est maintenant le criminel qui fait régner la justice. C'est tellement contradictoire, mais il le fait, on le fait. Je préfère largement m'occuper de ce genre de problème plutôt que de m'occuper de toutes ces histoires d'armes, de meurtres, de trahisons.

Je suis dehors, j'attends Enes, on doit aller à l'hôpital, le docteur Lefèvre nous avait donné des examens à faire, on a eu les résultats, on doit aller la voir. J'espère qu'il n'y aura rien... J'ai vraiment peur. La voiture d'Enes arrive, il descend et il vient me voir rapidement. Il prend mon visage entre ses mains pour déposer un baiser sur mon front puis il me regarde longuement.

« - Tu vas bien ? Je hoche la tête. N'aies pas peur, je sais que tout se passera bien.

- Oui... Je respire un grand coup.

- Sois tranquille. Viens. »

On monte dans la voiture, je tremble beaucoup, mais j'essaye de ne rien laisser paraître. Je regarde la route, je suis stressée, je le serais chaque fois que j'irai là-bas, parce que j'ai énormément peur. Enes me jette des coups d'œil, il n'est pas à l'aise non plus, il a peur, mais il ne dit rien.

On est dans la salle d'attente, je regarde autour de moi, les photos de bébé, les magazines, tout est en lien avec les bébés. La porte s'ouvre, le docteur Lefèvre nous appelle, elle nous serre la main et on rentre dans son bureau. Enes lui donne les dossiers qu'il a apporté avec lui du laboratoire, elle les récupère et elle les regarde attentivement. Elle relève sa tête avec un sourire.

« - Je voulais voir si vous aviez encore cette possibilité d'avoir un enfant. Je suis rassurée de voir que oui.

- Oh... Merci... Je souffle un long coup et Enes laisse la pression s'en aller.

- Je ne voulais pas vous stresser, mais je me sens obligée de faire des contrôles. Vous vivez des moments compliqués, et je vous ai vu devant la salle d'accouchement, je n'ai pas pu m'empêcher d'y penser.

- Merci, docteur. Dit Enes et elle sourit.

- Vous essayez d'avoir un enfant ? Vous vous protégez ?

- Non, je ne... Commence Enes mais je le coupe.

- Oui, je me protège. Enes me regarde en fronçant les sourcils. Je veux attendre.

- D'accord. En tout cas, on sait que tout va bien et que vous pouvez être tranquille à ce sujet. Maintenant, il faut... »

Pendant qu'elle m'explique quelques trucs, Enes ne me lâche pas du regard, il ne s'attendait pas à cette réponse de ma part. C'est vrai qu'on n'en a jamais parlé, mais je ne suis pas prête. Enes est déçu d'avoir appris ça... On sort du bureau de Sophie Lefèvre, Enes ne dit rien, il avance sans me lancer un regard, on sort dehors, j'ouvre la portière de la voiture mais il la referme violemment. Je me tourne vers lui, je vois qu'il a les yeux qui brillent, il est vraiment brisé.

« - Comment tu peux me faire ça ? J'ai souffert autant que toi quand j'ai appris qu'on a perdu notre enfant. Pourquoi ?

- Enes, je veux que notre vie soit stable avant de...

- Comment ça stable ? Tu entends quoi par stable ? Je souffle et je tourne le dos mais il me retourne violemment vers lui. Non, explique-moi, je veux savoir. C'est quoi stable ?

- Je ne veux pas que mon enfant risque chaque jour de mourir.

- Hamza risque de mourir chaque jour ? Hamza est en danger ?