Acte II, scène 2

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FIDELIO

Mon ami, te voilà dans un mauvais pétrin

Hélios bat des paupières embrumées. L'image flotte floue devant ses yeux, mais il croit reconnaître le personnage de Fidelio. Il doit probablement rêver. Il referme ses persiennes ; une autre voix le tire de sa somnolence.

PIETRO

Ah, il n'existe point de problème sans fin
Je gage que cette impasse saura trouver
Une meilleure issue au fil de mon épée

FIDELIO

Le peuple d'Italie souffre, n'est-ce pas là
Que tu devrais apporter renfort de tes bras ?
Avant de te soucier du sort d'un tyran...

PIETRO

Sans tyran, les souffrances de nos paysans
Se soulageront d'elles-mêmes, mon ami
L'été réchauffera notre pays meurtri

FIDELIO

Et au prix de combien d'âmes sacrifiées
Dans cette guerre que tu désires mener ?

Les deux silhouettes fantasmées s'évaporent dans le brouillard de son esprit. Cèdent place à deux plus sombres protagonistes. Les voix de la Résistance.

RÉVOLUTIONNAIRE

Pouvons-nous vraiment faire confiance à Kosan ?

Qui ça ? Ne devrait-il pas parler de Pietro Da Fiori ? Le script qu'il connait par cœur se mélange, perverti en borborygme sans sens.

ARMANO

Il ne s'est engagé pour de bonnes raisons
Mû par la vengeance, l'amère trahison
Qui lui vola amour et causa tant de maux
Il ne se démène point pour nos idéaux

RÉVOLUTIONNAIRE

Devrions-nous refuser de collaborer ?

ARMANO

Non, toute aide sera toujours appréciée
Et un homme brisé vaut bien mille alliés

À nouveau, l'hallucination se dissipe. Son crâne tambourine. Une lumière s'efforce de transpercer la brume. Brutale, agressive, elle dévore sa sérénité, le jette en pâture d'un monde de douleurs.

...

La première chose que vit Hélios fut cette femme sans visage. Vêtue d'une tenue scintillante à s'en irriter les yeux, elle se précipita sur ce qui devait être un corps. Son corps ? Peut-être le touchait-elle, peut-être lui parlait-elle, mais l'acteur ne le ressentait pas vraiment. Dans un vacarme de bruits, de bips et de battements, il se laissa à nouveau tomber dans l'obscurité.

La deuxième vision qui s'offrit à lui lorsqu'il émergea lui parut familière.

Son teint noir éclatait dans l'atmosphère blanche et terne de ce qui lui rappelait une chambre d'hôpital. Le port altier de son veilleur s'inclina, penchant subtilement sa collection de tresses. Un sourire rassurant s'immisça sur ses lèvres charnues. Dans un froissement d'étoffe, il se leva et se rapprocha d'Hélios.

— Je suis désolé de venir alors que tu te réveilles à peine, mais je n'aurai peut-être pas d'autres occasions de te parler seul à seul. Te souviens-tu de moi ?

Les mots débités défilaient dans son crâne, dévalisaient sa raison vacillante. Il avait l'impression qu'on lui posait souvent cette question, et qu'elle s'échouait toujours dans le néant de sa mémoire.

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