Acte V, scène 6

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— Sara...

Il essaya de la retenir ; mollement ; sans conviction. Qu'elle parte ! Cela aurait été pour le mieux, mais l'étau se resserrait sur eux.

Dehors, des cris étouffés et des bruits de lutte mirent fin à la trêve.

— Qu'est-ce que c'est ?

Un regard furibond ; c'est tout ce qu'elle accorda à Kosan avant de dégainer une arme de sa veste. Le revolver était assez petit pour que son interlocuteur ne l'ait pas deviné plus tôt entre les plis colorés du wax. Lorsque le capitaine Nasuo s'effondra devant l'ouverture, une seringue fichée dans le cou. Sara mit en joue l'entrée. Ses mains assurées ne tremblaient pas. Après tout, elle s'était entraîné au tir avec Kosan pendant leur jeunesse.

Mila parut dans le carré de jour. La dégaine tranquille, la nonchalance feinte, l'actrice jouait les touristes plutôt que l'arme de guerre. Sans les holsters serrés sous sa poitrine, on aurait presque pu la croire inoffensive. D'ailleurs, elle leva ses mains vides de bonne grâce face à Sara.

— Pas un pas de plus ! À cette distance, je vise votre tête sans problème.

— Je vous crois volontiers, madame ! Et je n'ai pas l'intention d'être hostile, d'ailleurs, vos gardes s'en remettront. Je veux juste discuter.

— Vous arrivez trop tard, trancha sèchement Sara. J'aurais été prête à négocier si vous aviez eu une proposition décente à me faire, mais je vois que ce n'est pas le cas.

Sans se départir de sa décontraction, Mila esquissa un pas, puis deux. Sara tira. Une femme comme elle ne répétait pas un avertissement. Et une femme comme Mila ne laissait pas une simple balle l'atteindre. Elle l'esquiva. Avec sa vitesse surhumaine, elle se rua sur Sara.

Kosan avait beau déjà avoir été témoin de ce prodige sur Niakaruu, ses yeux n'avaient pas réussi à décomposer le mouvement. En un battement de cœur, sa sœur se retrouva étranglée dans la prise de la rebelle. Le révolver s'était transposé presque par magie dans la main de Mila.

— Comment oses-tu ? éructa-t-elle à l'encontre de Kosan. J'aurais pu envoyer la milice à tes trousses au lieu de te redonner une chance. J'ai voulu croire que vous ne pouviez pas être aussi odieux qu'on le dit. J'ai eu tort ! Comment as-tu pu pactiser avec de tels animaux ?

— Oh, doucement avec les insultes... avertit Mila sans menace, le canon néanmoins appuyé contre sa tempe.

L'actrice lança à Kosan un regard neutre : elle lui tendait la prochaine réplique. L'Aile avait beau n'être jamais monté sur les planches, la politique l'avait bien entraîné. Puis, il n'avait pas besoin de jouer pour paraître apeuré. Même s'ils avaient convenu de ce scénario, il redoutait les élans explosifs de Mila.

— Relâche-la, articula-t-il d'une voix lente et ferme. On n'est pas obligés d'en arriver là.

Elle grommela pour la forme et finit néanmoins par s'exécuter. Sara se massa le cou. Elle se regonfla de prestance, mais aux légers tremblements qui agitaient ses épaules, Kosan sut son assurance ébréchée.

— Comment avez-vous fait ça ?

— Fait quoi ? rétorqua Mila.

— Ne jouez pas les idiotes : comment avez-vous pu neutraliser mes hommes et esquiver cette balle !

L'actrice fit mine de réfléchir, le nez en l'air.

— Vous n'avez pas dû être attentive quand votre frère vous a expliqué que les vôtres se sont adonnés à quelques expériences sur nous...

— Quelles expériences ?

Bien sûr, c'est en se tournant vers son frère qu'elle exigeait des explications, comme si la Surfacienne n'était pas une interlocutrice digne de ce nom. De son côté, Mila rangea l'arme à feu, dégaina un couteau et s'entailla l'avant-bras sans sourciller.

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