Acte II, scène 17

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Tapie dans l'ombre, elle attendait. Elle guettait cet autre intrus qui réprimait ses bâillements, lui aussi tapi dans l'ombre. L'espionne en herbe et actrice de couverture, Mila Serpentine, de son nom d'emprunt, lâcha un soupir silencieux. Voilà bien deux heures qu'elle ne bougeait plus de sa cachette et autant de temps que le gros bras envoyé par Cassendi pour intercepter Kosan s'ennuyait ferme, comme elle.

Elle aurait bien aimé dégourdir ses jambes insensibles, tassées entre les conduites du dirigeable, mais le gaillard risquerait de l'entendre. Même si elle avait confiance en sa faculté à le neutraliser, elle préférait conserver l'effet de surprise. Enfin... Kosan ne devrait pas tarder. À minuit passé...

Ne me dites pas que cet idiot de noble a renoncé à son projet suicidaire de secourir cet idiot d'Hélios ?

Non, bien sûr que non. Ce ne serait pas le genre d'une Aile de se montrer raisonnable. Et comme pour lui prouver sa théorie, la porte des appartements de Kosan s'entrebâilla dans un grincement peu discret.

Mila avait beau s'y attendre, elle ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel de tôles.

Je veux bien que ça veuille pas ramper dans la crasse et salir son chemisier, mais il aurait quand même pu se douter que sa porte serait surveillée, et passer par les conduits d'aération !

Enfin, cette préciosité arrangeait bien ses affaires.

L'homme de Cassendi se dressa. Mila perçut le reflet d'une barre de fer, extirpée de sa manche. Alors que Kosan croyait la voie libre, son agresseur s'érigea dans son dos. Mila se glissa hors du support des tuyaux et chut du plafond. En plein sur sa cible !

Le sbire s'écroula, écrasé sous le poids plume de l'actrice. Mila ne lui laissa pas le temps d'appeler sa maman ; son bras s'enroula sur sa gorge et serra. Oh, bien sûr, sa victime pouvait toujours tenter de se débattre. Sa prise était trop parfaite, sa poigne plus ferme que l'acier trempé. Les yeux noirs de l'agresseur agressé se révulsèrent de blanc.

Il était temps de lâcher. Pas question de tuer dans son propre camp — elle avait déjà bien assez de noms sur sa liste.

Imbue de son succès, l'actrice crut l'affaire pliée trop tôt : un autre assaillant chargea Kosan. Mais avant qu'elle ne puisse le sommer de réagir, l'Aile avait déjà esquivé et entravé d'un pied négligent le chemin du type. Il bascula ; un coup de genou dans l'estomac lui régla son compte.

Mazette ! Il n'est peut-être pas si empoté que ça finalement...

— Mila ? C'est toi ?

... Mais ça ne compense pas son air ahuri.

— Plus tard.

Il fallait d'abord s'assurer que les larbins de Cassendi ne seraient plus une nuisance. Kosan l'aida à les menotter dans sa cabine. Aussitôt fait, elle ne laissa pas au fugitif le loisir de reprendre son interrogatoire. D'autres pourraient rappliquer. Elle attrapa sa main et l'entraîna dans son sillage. Surpris de sa force, Kosan eut le souffle coupé.

— Qu'est-ce que tu fais ? brailla-t-il dans un murmure.

— À ton avis ?

L'Aile fronça des sourcils qui se voulaient autoritaires. Comme cela l'exaspérait !

Ça se croit supérieur et ça sait même pas connecter deux neurones...

— Tu cherches à m'aider ou à m'arrêter ? ajouta-t-il avec défiance.

L'actrice écrasa une main contre sa figure.

Par pitié... Et ce sont des gens comme ça qui nous dirigent ?

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