Acte V, scène 18

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Kosan titubait en descendant du dirigeable. Lui qui avait espéré pouvoir goûter à la sérénité, la guerre enfin terminée... Le repos attendrait. La tête alourdie par les mots de Lupin, il vit à peine Imani se précipiter vers lui.

— Manqa-dao ! J'ai une bonne nouvelle pour vous. Vite ! Suivez-moi.

Plus efficace qu'une piqûre de dopamine, le sourire d'Imani l'arracha à sa torpeur. L'Aile vola plus qu'il ne grimpa les marches jusqu'à l'étage, jusqu'à la chambre d'Hélios, dont il ouvrit la porte à la volée.

Le patient tourna des yeux lourds, mi-clos, devant l'irruption tonitruante. Kosan ne lui laissa pas le temps de manifester de la surprise, il l'enserra d'abord dans son étreinte. Sentir ses muscles se tendre en réaction, son souffle s'échouer au creux de son cou... Rien ne valait un tel soulagement.

— Tu m'étouffes, Kosan... murmura-t-il d'une voix éraillée.

— Pardon...

Il se recula et prit le temps de l'observer. Hélios avait une sale mine, cela n'empêchait pas Kosan de sourire à s'en arracher les oreilles.

— À ta tête, j'ai dû dormir longtemps...

— Une petite semaine.

Le choc figea momentanément ses traits.

— Oh... Est-ce qu'on a...

— Oui, on a gagné.

Hélios referma les yeux sous le joug de la fatigue, un sourire plus timide que Kosan sur les lèvres. Inutile de l'accabler des détails moins réjouissants pour l'instant.

*

Retrouver les bonnes grâces du pouvoir avait ses avantages, comme la faculté de convoquer un contingent de médecins à domicile. Les spécialistes défilèrent pour examiner Hélios, lui prodiguer les meilleurs soins et la rééducation adaptée. Sans doute se passionnaient-ils davantage pour l'étude de ce cobaye qui avait survécu à une hybridation profane. Peu importe, tant que leurs intérêts coïncidaient avec ceux du patient.

En quelques jours, le Nerf reprit des couleurs, sous le regard un peu trop protecteur de Kosan. Imani râlait de cette agitation constante qui remuait le manoir ; plus par principe que par gêne. La gestionnaire n'avait plus vu autant de monde depuis la mort de Moussif. Retrouver un peu de vie au sein de la trop grande demeure lui faisait aussi du bien.

Aujourd'hui, c'était le docteur Ula du service de radiologie qui détaillait la prochaine série d'examens à venir effectuer à l'hôpital de Centrale pour suivre l'impact de la contamination au lévitorium. Hélios écoutait d'une demi-oreille, comptant sur Kosan pour tout retenir. À la fin de la visite, ce dernier proposa d'ailleurs de laisser le patient se reposer et de s'entretenir seul avec le docteur.

L'Aile referma délicatement la porte. Il invita Ula à s'installer dans un salon du rez-de-chaussée et lui proposa un café.

Le docteur, relativement sec et âgé, se laissa tomber avec soulagement dans l'assise moelleuse d'un fauteuil côtelé avant de porter ses lèvres avides au breuvage amer.

— Avez-vous pu vérifier ce dont nous avions parlé ?

Ula fronça un sourcil broussailleux. Kosan entrait directement dans le vif du sujet.

— En effet, l'implant dans l'œil de votre ami a été endommagé par les radiations. La connexion n'est plus fonctionnelle. Cependant, je recommanderais une intervention chirurgicale pour le lui enlever lorsqu'il sera remis de sa convalescence. Il ne faudrait pas risquer une inflammation de la rétine.

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