L'intérieur était étrangement silencieux. Seule la litanie du vent battait à ses oreilles. Il saisit sa mitraillette et la braqua avec résolution. Kengé ne pouvait plus fuir. L'un d'eux devait mourir dans cet aéronef. Et alors que l'image de Kosan s'imposait à lui, Hélios souhaita que le sort ne le choisisse pas.
Il avança prudemment le long d'une coursive obscurcie. Le dirigeable était modeste. Une seule entrée projetait un rectangle de lumière. Son objectif. Il inspira, épaula son fusil et s'immisça dans l'embrasure.
Mauvaise idée.
Une détonation, puis deux. Hélios pivota et se repositionna à l'abri sans même avoir eu le temps de repérer les ennemis. Les balles l'avaient effleuré.
Du peu qu'il avait aperçu de la pièce, les rangées de sièges avaient été basculées pour servir de couvert. Il n'avait aucune chance en perçant de front. Si seulement il avait eu des grenades ou des fumigènes...
Un embryon de plan lui apparut.
Fixé sur la paroi du corridor, un extincteur lui faisait de l'œil. Hélios dégoupilla la sécurité et s'acharna contre la poignée. Sa nouvelle force en vint presque à bout, il suffirait d'un petit choc et... Il balança la bombonne dans la pièce ; un schklang, un pschiit et la neige carbonique arrosa les lieux.
L'anarchie était totale. Les mitraillettes ennemies résonnèrent à l'aveugle dans un élan de panique, Hélios attendit que les chargeurs se vident, puis se jeta dans la confusion. Lui non plus ne voyait pas où il tirait, mais il n'avait pas d'allié qu'il risquait de toucher, il pouvait se le permettre.
Les derniers crachats de l'extincteur le firent tousser. Hélios retrouva sa vision et un monde enseveli sous la poudreuse. Surtout, le silence. Les mitraillettes s'étaient tues. Le rouge coulait le blanc. Deux corps gisaient derrière les banquettes. Hélios profita de l'accalmie pour recharger. Les avait-il tous eus ? Et où était Kengé ?
Ses cellules dopées le sentirent avant sa conscience ; cette micro variation dans l'air, ce sifflement imperceptible dans son dos, le frottement des tresses sur le tissu. Hélios fit volte-face. Une lame déchira son bras, son arme à feu riposta.
Touché sous le sternum, Kengé recula et s'échoua sur le rempart de fauteuils. Son couteau heurta le sol dans un tintement métallique. Une main crispée sur le dossier d'un siège ; l'autre pressée contre son ventre d'où s'échappait un fleuve de sang. Son visage autrefois lisse se tordait en une atroce grimace de peine et de haine. C'est tout juste si Hélios le reconnaissait sous cette pluie de tresses en désordre et maculées de neige.
— Kengé-dao, Kengé-dao, vous allez bien ?
Une voix paniquée filtra du cockpit. Profitant du répit des tirs, le pilote se risqua à ouvrir le battant de sa cachette. Le petit bonhomme engoncé dans son uniforme aux armoiries de Lev'Energies sursauta et se figea en découvrant son commanditaire blessé et en joue.
— Tout va bien, grogna Kengé d'un raclement qui trahissait le contraire. Poursuivez votre mission.
— Non, vous allez changer de cap et faire demi-tour, sinon je le descends, intervint Hélios avec un aplomb qui le surprit le premier.
Le pilote se dandina, semblant hésiter ou réfléchir à un moyen de jouer les héros.
— Ne l'écoutez pas !
— Faites ce que je dis !
Finalement, sa lâcheté ou la mitraillette d'Hélios achevèrent de le convaincre. L'Aile retourna dans le cockpit et l'aéronef s'inclina pour la manœuvre.
— Qu'est-ce que tu attends pour me tuer ?
Le serpent sifflait, montrait les crocs, s'irritait, feintait. Que de la gueule. Le grand tyran était réduit à l'impuissance. Hélios aurait voulu savourer cette sensation satisfaisante, sa vengeance méritée. Le lévitorium le coupait de ses émotions. Il en aurait été frustré, s'il avait pu... Au moins, sa vigilance restait intacte : Kengé dans son viseur, l'oreille surveillant la bonne conduite du pilote.
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Entelechia
Science FictionÀ Monade, voir le ciel est un privilège qui se mérite. Les classes souterraines suent sang et eau pour un rayon de soleil. Il existe pourtant un moyen d'accélérer le processus : se vouer corps et âme à l'Entelechia. Mais ceux qui s'y risquent n'en g...