Acte II, scène 18

127 26 56
                                    

ARMANO

Le sort de l'Italie est un trop lourd fardeau
Pour reposer entre les mains d'un idiot
Plus encore pour dépendre de passion
Par le triomphe, nous remercierons ton don

Pietro Da Fiori grimace, l'avanie du meneur des insurgés crisse dans son crâne. Il se tourne vers un visage plus affable.

FIDELIO

Inutile de te tracasser, mon ami
Je sais bien comme ton désir n'a pas flétri
Mais ta force a dépéri. Laisse d'autres fous
Porter à cette tyrannie le dernier coup

Le cœur chaviré, Pietro délaisse son complice de toujours. S'il ne peut plus compter sur son soutien, alors, au moins, son amour inextinguible l'aiderait.

LUCIA

Tu n'ignores pas la vive ardeur de ma flamme
Je redoute le pire de toute mon âme
Si de cette folie tu refuses l'écart
Je redoute même qu'il soit déjà trop tard

HÉLIOS

Assez ! Assez ! Taisez-vous !

Ces voix qui hantaient sa tête n'en finissaient plus de le tourmenter. Avait-il vraiment besoin de sa conscience, incarnée dans ses héros favoris, pour lui rappeler sa situation désespérée ? Il fallait cautériser ce mal. L'acteur secoua son corps comme un dément.

Boom

Le choc chassa les fantômes et irradia son crâne de douleur. Il tenta d'ouvrir les yeux ; une purée de pois noire obscurcissait l'environnement. Il voulut dénouer ses jambes entortillées ; elles se heurtèrent à la barrière qui avait meurtri son crâne. Ses mains explorèrent à tâtons. Une boîte ? On l'avait enfermé dans une boîte ?

Son cerveau embrumé tâcha de relier ses derniers souvenirs. Kengé l'avait abandonné dans sa geôle. Après un temps interminable, deux types avaient fait irruption. Croyant sa dernière heure arrivée, Hélios s'était débattu — autant qu'on le puisse dans l'étreinte des cordes. L'éclat d'une aiguille avait lui dans la pénombre de la cellule.

L'injection létale ? Était-il mort ? Et cette boîte, son cercueil ?

Pris d'un vent de panique à l'idée qu'il soit déjà trop tard, le cadavre s'escrima contre sa prison étriquée. Ses poumons se creusaient de la crainte de manquer d'air. Ses articulations se déchaînaient dans l'épouvante de se contraindre à l'immobilité permanente.

Entre les claquements sonores, des rires fusèrent. Une assemblée hilare s'était-elle réunie pour assister à son incinération ?

Une des parois coulissa. L'assaut de la lumière figea son bras en revers ; protection risible contre la liberté que son corps avait réclamée. Quand ses yeux osèrent s'ouvrir, un miracle des Nuages se dévoila : une forêt.

L'assemblée sylvestre, couronnée de son orgueilleux ramage, éveilla en lui les pathétiques remembrances d'un Sans Nom élevé dans l'ombre. Les trilles de quelques volatiles l'appelaient de leurs charmes. Il s'imaginait déjà inspirer les effluves boisés, suivre les ballets des insectes, compter les variétés florales aux abords des sentiers...

Hélas, entre lui et son échappatoire, une barrière d'Ailes s'érigeait.

Jamais la fine fleur de la noblesse ne lui avait paru si ridicule, engoncée de bottes montantes, de culottes moulantes et de redingotes rouge pétaradant. Leurs têtes sombres se paraient de couvre-chefs aux plumes multicolores. Oui, leur accoutrement aurait prêté à rire... s'ils n'étaient pas munis de fusils à canon scié et de sourires avides de sang.

EntelechiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant