Acte IV, scène 4

82 22 44
                                    

Accoudée au balcon de la verrière, Lucia soupire de mélancolie.

LUCIA

Oh, Pietro, m'as-tu oublié, mon amour ?
Je me languis tant de toi du haut de ma tour

GIULIA

Madame, je vous prie un peu de retenue
Ne vous comportez pas en princesse éperdue
Le seigneur Verconci attend votre venue
Accordez à votre promis une entrevue

LUCIA

Vous n'y pensez pas ! Je ne dors plus ni ne mange
Son absence, une blessure qui me démange
Je me ronge au sang de le savoir en danger
Qu'à la traque de père, il puisse succomber

Lucia se redresse à la hâte et piétine en trombe autour de sa servante.

LUCIA

Je ne peux plus d'attendre ! Cherchez mon manteau
Je dois m'en aller, Giulia, le plus tôt !

Giulia secoue la tête, mais fait mine d'obéir.


Pour la première fois depuis longtemps, Hélios s'éveilla serein.

Il n'avait pas la moindre idée de l'endroit où il se trouvait, de l'opinion de ses hôtes à son égard, ni de la sécurité de sa situation. Pourtant, la tempête qui agitait son cortex depuis les révélations de Kengé connaissait une accalmie. Des exclamations enjouées d'enfants se frayaient un chemin jusqu'à ses oreilles.

Des enfants qui jouent dehors... Il ne peut rien nous arriver ici.

Les rayons timides du soleil s'infiltraient sous ses paupières, elles papillonnèrent et se résignèrent à s'ouvrir.

Le calme régnait dans la cahute. Des panneaux de bois jeunes s'habillaient d'étoffes colorées pour cacher la misère et préserver un semblant de chaleur. Le feu de la veille s'était réduit en un filet de fumée.

Hélios tenta de se lever. Les courbatures l'agressèrent, lui rappelant sa périlleuse excursion jusqu'ici. Il serra les dents et les brava ; la fenêtre sans carreaux, écran jauni de lumière et moucheté d'ombres feuillues, lui faisait de l'œil, l'appelait !

— Ça faisait une éternité que je n'avais pas entendu des enfants s'amuser...

Le voyeur sursauta et renonça à ses projets d'observation. La voix de Kosan avait attiré son attention dans un coin de la cabane.

Hélios ne put contenir son soulagement : il semblait en meilleure forme que la veille, malgré son teint encore raviné par la maladie. En tailleur sur une natte de jonc, il piocha parmi les assiettes en terre cuite et mâchonna consciencieusement une sorte de galette de maïs. Un prodige qui ne manqua pas d'étonner Hélios.

— La jeune fille avec qui tu parlais hier est passée déposer à manger.

Mitraille... Hélios frémit. Une rougeur désagréable envahit ses joues ; il la masqua sous le rideau de ses cheveux et le maquis de sa barbe. Qu'avait entendu Kosan de leur conversation de la veille ? Le Nerf lui avait assez infligé ses déconvenues familiales...

— J'ai dormi longtemps ?

— Suffisamment pour que le soleil soit haut. Tu en avais besoin. Tu as passé beaucoup trop de temps à monter la garde quand je n'étais pas en état. Viens manger.

Hélios osa relever un regard sur le contenu des assiettes : une purée de pois, des légumes ruisselants de fraîcheur et d'autres galettes. Un véritable festin. Il ne le méritait pas.

EntelechiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant