Azeyïa
J'ai grandis en banlieue dans un quartier réputé pour sa violence et ses bavures policières. Combien de frères, d'amis, de cousins, de pères sont tombés ? C'était clair : soit la prison, soit la mort. Un soir, j'ai vu Habib en larmes dans la salle de bain. Quand je lui ai demandé ce qui allait pas il m'a dit mot pour mot «je viens de perdre mon shab Aze...je viens de perdre mon shab...» Allah y rahmo Younès. J'avais seulement 7 ans. Sauf que je ne savais pas que 12 ans plus tard j'allais vivre la même scène...
J'allais réellement tomber dans les pommes. Mes jambes tremblaient, mon cœur battait à 1000 à l'heure. Je voyais flou.
Je me suis dirigé vers le mec et je lui ai crié :
Moi - Heichek dis moi que c'est faux je t'en supplie ! HEIN C'EST PAS VRAI ? MAIS PUTAIN RÉPOND !
Je lui ai frappé le torse en hurlant. Une vraie dechaînée. Lui il était là, à regarder le vide. Il me rendait folle ! Ibtissem s'est mise derrière moi et m'a attrapé par la taille.
Moi - LÂCHE MOI ! LÂCHE MOI ! ON LUI A TIRÉ DESSUS ? ON LUI A TIRÉ DESSUS ?
Et là il a levé sa tête et m'a regardé de travers.
Le mec - Quoi ? Quel tiré dessus ? Non il s'est pas fait tiré dessus ! Il s'est prit une barre en fer dans le bras gauche. Smeh wallah...j'aurai du être là ! Wallah je les aurait tous buté 1 par 1 !
Et là arrêt du cœur ! Je venais de comprendre petit à petit...il pouvait pas me le dire plus tôt ?
Moi - Q...quoi ? Alors c'était pour qui les coups de feux ?
Lui - Pour des autres gars à nous...j'sais même pas si ils vont s'en sortir...
Ibtissem - Ils sont tous à l'hosto.
Moi - Je veux y aller !
Le mec - Quoi ? Maintenant ?
Moi - Oui ! Je veux le voir !
Il a pas cherché à m'en dissuader. Ibtissem est restée chez elle pour surveiller ses petites sœurs. On s'était dit qu'on se tiendrait au courant puis je suis parti avec le mec. En descendant les couloirs, il s'est présenté à moi. Il s'appelle Sofiane, il a le même âge que Hakim et ils sont shab. Y'a une scène qui m'a marqué ce soir là...
On marchait dans le parking pour aller dans la voiture puis j'ai vu un petit garçon écrire en gros sur l'un des murs «NIK LES KEUFS ICI C'EST ***** !!!» (le nom de mon quartier) j'étais choquée. Il devait avoir 13 ans pas plus.
Sofiane l'a regardé et s'est dirigé vers lui en lui mettant une tape au crâne.
Sofiane - Oh rentre chez toi ! Tu fous quoi ici tout seul ? T'as pas vu ce qui s'est passé ? Vas-y rentre là !
Puis le petit est partit en courant. Sofiane est revenu vers moi et a secoué la tête.
Lui - Wallah même les petits ils partent en couille !
Il a ouvert sa porte et je me suis enfoncée dans le siège, la tête contre la vitre. J'étais loin de m'être remise de mes émotions...dans ma tête c'était les montagnes russes ! Au fond de moi, je priais pour que Hakim s'en sorte. Qu'il aille bien et j'avais peur de voir l'état dans lequel il était...
Arrivé à l'hôpital, on a demandé la chambre à une infirmière. Sauf qu'il était plus de minuit alors l'infirmière ne voulait pas nous laisser aller le voir.
Sofiane - Oh c'est urgent je vous dit ! On veut juste le voir deux secondes histoire d'être rassuré après t'inquiète pas, on se taille de ton hosto !
