Malgré la fatigue ambiante, les pas n'étaient pas lents. C'était même tout l'inverse. Tous étaient impatients de pouvoir rentrer et de prendre un peu de repos. Si les soldats, hommes comme femmes, avançaient par petits groupes, la jeune femme faisait cavalier seule. Elle ne cherchait la compagnie de personne en cet instant, préférant se noyer dans ses pensées. Elle prenait le temps de revenir à la réalité comme elle disait. Certains de ses confrères n'hésitaient pas à se moquer de sa façon de faire. Elle se contentait de hausser les épaules en général. Inutile de répondre. Elle, elle savait ce qu'il en était. Rester concentrée des heures et des heures empêchait de penser à ceux qui restaient dans la cité, aux personnes que l'on aimait, à ceux qu'on avait perdu... Le temps de marche nécessaire au retour lui donnait la possibilité de se rappeler tout ça, de se rappeler pourquoi elle risquait sa vie chaque jour.
À mesure qu'elle s'éloignait de la zone de patrouille, son pas se faisait plus vif. Le paysage était loin de ressembler à celui qu'elle venait de quitter. Ici pas de bâtiments détruits ou de carcasses d'immeubles. Il y avait simplement quelques hectares de terre. Les plus proches de la frontière étaient laissés en friches. Ils servaient de petite réserve de chasse bien que les animaux se fassent de plus en plus rares. Les collets et autres pièges étaient trop nombreux pour garantir un renouvellement satisfaisant des espèces.
Après une bonne dizaine de minutes de marche, Evy arriva dans la zone cultivée. Céréales et légumineuses en occupaient la majeure partie. Pour le reste, les légumes se succédaient au rythme des saisons. Les champs de blé étaient désormais vides. La moisson avait été faite trois mois plus tôt et la récolte avait été bonne. Avec un peu de chance, elle leur permettrait de tenir tout l'hiver. Les nouvelles semailles avaient été faites fin d'octobre et il fallait espérer que les machines ne lanceraient aucune attaque dans les mois à venir.
Alors que la jeune femme avançait en observant les champs, elle avait presque l'impression que la guerre n'était plus là. C'était bien sûr totalement faux. La guerre était plus que jamais d'actualité. La jeune femme venait juste de la quitter pour quelques heures. Mais au moins les terres qu'elle foulait étaient de nouveau la propriété des humains et elles devaient le rester à tout prix. Tellement de sang avait déjà été versé. Tellement de morts. Il était hors de question que cette terre puisse être perdue.
Encore dix minutes et les pas vifs de la jeune femme lui firent gagner l'enceinte du camp. Son père persistait à appeler encore cet endroit une ville. Cela faisait toujours sourire Evy. Vu le nombre réduit d'âmes qui y vivaient, le terme de ville était exagéré. Pourtant, la demoiselle ne le contredisait pas. Cela était inutile et même futile au vu des conditions dans lesquelles tous vivaient. Ville. Village. Cité. Camp. Dans le fond, le nom importait peu. C'était l'un des derniers bastions de l'humanité. Le dernier peut-être. Cette idée durcit les traits fins de la brune, rendant son visage grave et même sévère. Non, elle refusait cette idée. Ce n'était pas possible. Ils étaient si nombreux avant. Plus de dix milliards selon les chiffres qu'elle avait pu voir dans quelques livres. Les rares ouvrages qui avaient échappé au carnage, servaient de base aux enfants pour apprendre à lire, écrire, compter mais surtout à connaître le monde passé. Le monde d'avant les machines, d'avant la guerre, d'avant l'annihilation de la quasi totalité de l'humanité.
Son regard s'assombrit encore plus. Evy n'avait jamais connu le monde d'avant. Elle était née après le début de la fin comme disait son père. Les machines l'avaient privée de ce monde merveilleux où l'humain dominait. Un monde où chacun pouvait aller où il voulait, quand il voulait. Une terre où on ne risquait pas sa vie à chaque pas et où on ne se battait pas pour survivre encore un jour de plus. Un monde où la peur ne vous vrillait pas les entrailles à chaque instant. Non, ce monde lui était inconnu et elle le regrettait amèrement. Chaque jour, chaque nuit qu'elle passait à monter la garde et se battre, elle le faisait en se jurant qu'elle parviendrait à retrouver ce monde perdu.
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Extinction [terminé - en réécriture]
Science FictionEn 2163, la quasi totalité de l'humanité a disparu suite à l'affrontement contre les machines. Evelyne, avec quelques survivants, cherche à leur résister au sein la dernière cité existante. Aidée par Josh, son ami, et sous les ordres de son père, le...