Chapitre 5 : Violences - Partie 1

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Evy se sentait vidée alors qu'elle prenait la direction du camp. Son épuisement résultait à la fois d'une fatigue intense, accumulée depuis plusieurs jours, de l'affrontement qu'elle venait de vivre bien sûr, mais aussi d'une profonde impression d'impuissance. Elle venait de perdre un ami. Un de plus. Cette lutte aurait-elle une fin ? La jeune femme commençait sérieusement à en douter. Même s'ils parvenaient à lutter et repousser encore et encore les machines, ce n'était pas pour autant qu'ils pourraient gagner.

Son père voulait à tout prix qu'elle arrête le combat pour produire des enfants et permettre au camp de survivre mais à quoi bon ? Les enfants grandissaient, étaient formés, devenaient soldats et finissaient comme Nathan, morts. Les anciens étaient peu nombreux. Ceux qui dépassaient les 50 ans étaient considérés comme anciens et étaient intégrés au grand conseil. Un organe qui ne regroupaient pas plus d'une vingtaine de personnes, majoritairement des femmes.

Les combats n'étaient pas les seuls responsables de cette forte mortalité. Les maladies et les famines jouaient aussi pour beaucoup. C'était un combat sans fin. La jeune femme avait l'impression qu'ils ne verraient jamais le bout de tunnel et que, de génération en génération, leur vie ressemblerait toujours à ce qu'elle vivait actuellement.

Maintenant que le combat était terminé, l'adrénaline avait chuté et la blessure à son bras se faisait douloureusement ressentir. Tout en marchant, elle avait pris le temps d'inspecter son membre. La balle avait traversé son bras et transpercé son biceps. Par chance, le projectile n'avait pas touché l'humérus. Pas de fracture donc et vu que son bras était perforé de part et d'autre, la balle était certainement ressortie. Elle n'aurait donc pas d'intervention lourde à subir, juste des points de suture. Le risque majeur serait l'infection. Jusqu'à présent, elle touchait du bois et malgré les blessures qu'elle avait déjà pu connaître, elle avait toujours échappé à ce fléau. Elle ne pouvait qu'espérer que cela se poursuive.

S'aidant de ses dents, elle se fit un bandage de fortune avec un morceau de tissu qu'elle avait déchiré dans sa chemise. ça ferait l'affaire jusqu'à ce qu'elle rejoigne l'infirmerie mais avant cela, elle allait devoir affronter son père. Il devait certainement vouloir son rapport sur tout ce qui s'était passé. Hormis les soldats et les munitions utilisées, il avait décidé de l'usage du canon. Ce n'était pas un choix anodin surtout qu'il avait opté pour un boulet explosif, une des munitions les plus rares et précieuses que les humains possédaient. Habituellement, ils se contentaient de fourrer le canon de morceaux de métal. Ce n'était pas ce qu'il y avait de plus efficace mais cela permettait d'économiser les munitions. Là, l'homme avait décidé de jouer le grand jeu. Un choix qui s'était révélé payant vu que l'ennemi avait fait marche arrière mais un choix qui était lourd de conséquences.

Décidément les humains payaient un lourd tribut aux machines depuis quelques temps. Entre l'attaque précédente et celle d'aujourd'hui, c'était une bonne cinquantaine de morts qu'il fallait déplorer. Evy ne savait pas encore exactement combien de soldats avaient perdu la vie aujourd'hui mais elle avait bien compté sept corps dont celui de Nathan. Deux snipers, trois soldats sur le terrain et deux autres dans les miradors. Il y en avait peut-être d'autres sans compter les blessés bien sûr. C'était un bon cinquième du camp qui avait volé en fumée en moins de deux semaines. La brune ne pouvait qu'espérer que les machines soient aussi en déficit de soldats et qu'elles n'attaqueraient pas dans les prochains jours sinon ce serait la fin. Dans tous les cas, la chance n'était clairement pas du côté des humains. Même si les machines semblaient être produites assez lentement, elles mettraient toujours moins de temps à être créées que les humains à naître, grandir et parvenir à l'âge adulte.

La lutte était désespérée, inégale, futile. David contre Goliath. Mais Evy ne voyait pas quel caillou leur permettrait de changer le cours des choses. Ils avaient perdu. Cette idée frappa de plein fouet la brune alors qu'elle parvenait aux portes du camp. Tout ce qui existait, tout ce qu'elle voyait allait être perdu. Ils ne pouvaient pas gagner. C'était impossible. Le combat était bien trop déséquilibré.

« Wright? Ça va ? »

Elle tressaillit en entendant son nom. Relevant la tête, elle aperçut une garde sur l'un des miradors d'entrée. La jeune femme fit un vague « oui » de la tête.

« Tu m'as fait peur. »

Kali s'inquiétait toujours beaucoup pour elle. Elle s'inquiétait toujours pour tous ceux qui effectuaient leur garde à l'extérieur des limites du camp. Essayant d'afficher un sourire qui se voulait rassurant, Evy lui adressa un léger signe de tête ce qui sembla suffire à son amie.

Labrune franchit la lourde porte derrière laquelle l'effervescence régnait. Avec l'attaque, le camp était en alerte rouge. Le danger s'était temporairement éloigné mais il fallait désormais gérer les blessés, remplacer les soldats, vérifier les armes et les munitions, reconstituer les défenses. Autant d'actions qui expliquaient la frénésie qui habitait le cœur de la cité.

Evy pressa le pas, se faufilant entre les groupes, pour rejoindre le QG où le général se trouvait. Plus vite, elle le verrait, mieux ce serait. Alors qu'elle approchait de la bâtisse, un ancien hangar réaménagé, elle aperçut Josh. Vu ses traits tirés, il avait dû se faire un sang d'encre en la sachant sur le terrain. Elle esquissa de nouveau un sourire pour tenter de le rassurer malgré la douleur qui devenait de plus en plus forte. Mais à la différence de Kali, Josh ne sembla pas s'en contenter. Il s'approcha, le visage grave, et désigna son bras.

« Ça va. Juste une balle. Elle est entrée et ressortie comme pour ta jambe. Je dois voir le général et j'irai à l'infirmerie ensuite. »

Elle n'était pas une priorité. Sa blessure était bien moins grave que celles de beaucoup d'autres. Même si elle se rendait à l'infirmerie, elle serait soignée dans les derniers. Son compagnon le savait aussi bien qu'elle mais la brune cherchait à le tranquilliser. Josh hocha simplement la tête. Il la connaissait trop bien et savait qu'il ne réussirait pas à la convaincre d'agir autrement. Et si en plus son père voulait la voir, rien de ce qu'il pourrait dire ne lui ferait changer d'avis.

« Ok. Je dois m'occuper de la réaffectation des soldats. Je passerai te voir dès que je pourrai. »


Elle hocha la tête avant qu'il ne passe son chemin et reprenne son travail. Ils avaient tous les deux des obligations et leur amitié devrait attendre. Amitié n'était peut-être plus le bon terme mais la jeune femme ne voulait pas songer à autre chose pour le moment. Elle se préparait déjà mentalement à affronter son père. Elle avait une vague idée de ce qui allait suivre. Des hommes étaient morts et il faudrait un responsable. Les machines étaient bien sûr l'ennemi commun mais cela ne suffirait probablement pas à Franck. Il voudrait la tête de quelqu'un et celle de sa fille serait parfaite. Cela lui servirait d'excuse pour justifier son départ de la frontière.

Extinction [terminé - en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant