Chapitre 2 : Conflit - Partie 1

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Evy avançait dans la nuit, tête et épaules basses. Son regard ne semblait pas vouloir quitter ses grosses chaussures noires. Sûrement parce qu'elle savait ce qu'elle rencontrerait en levant le bout de son nez. Si elle avait pu, elle aurait traîné les pieds pour ralentir la marche autant que possible mais son père avançait à vive allure et tenter de le ralentir était peine perdue. Et puis, elle n'avait plus cinq ans. Ça c'était bon quand elle était gosse et que son père avait tendance à lui faire peur. C'était étrange de dire qu'on puisse craindre son père. Le général ne l'avait jamais frappée ou brutalisée. Non, rien de ce genre. Il était simplement impressionnant. Son visage carré possédaient des traits marqués et une peau brunie par le soleil. Il restait toujours sérieux et même sévère. La brune avait du mal à se souvenir des fois où son père avait souri ou même ri. A croire que c'était une chose qui ne faisait pas partie de son fonctionnement de base. Ce n'était que lorsque sa mère était encore en vie que la jeune femme se rappelait l'avoir vu sourire. Avec sa mort, les rares traces d'humanité de l'homme semblaient avoir disparu. Le père, le mari, avaient laissé leur place au seul général, le dirigeant du camp.

Officiellement, il n'était pas le seul à diriger cet endroit. Il était à la tête du conseil militaire mais il existait un conseil composé des anciens du camp. Théoriquement, c'était eux qui devaient prendre les décisions pour tous. Cependant, la guerre changeait la donne. Le militaire prenait le pas sur absolument tout. Quand votre vie reposait sur les décisions du conseil militaire, vous aviez tendance à vous y référer en permanence. Aussi, officieusement, c'était bel et bien le général Wright qui commandait. Quand la paix reviendrait, ce serait le conseil des anciens qui prendrait le relais. Enfin... si la paix revenait un jour bien sûr.

Malgré son envie de retarder l'inévitable, Evy ne tarda pas à atteindre leur maison. Il s'agissait simplement d'un ancien conteneur recyclé en habitation. La plupart des maisons du camp étaient de ce type. Seuls le réfectoire et l'étable étaient des maisons issues de l'ancien monde. Maintes fois rafistolées et bricolées, elles avaient changé d'allure au fil des décennies. Pourtant, elles rappelaient à tous le monde perdu qu'ils souhaitaient voir revenir. Les conteneurs avaient été amenés par les premiers survivants pour stocker du matériel et des armes. Au fil du temps, ils avaient été changés en habitation.

Le général ouvrit la porte de métal et pénétra ce qui leur servait d'habitation. Evy le suivit et ferma la porte derrière elle. Une maigre lumière, issue d'une simple ampoule pendant à un fil, éclairait la pièce principale. Le mobilier était très sommaire : une table et trois chaises, un coin cuisine avec un simple réchaud, quelques assiettes et casseroles. L'ensemble manquait de chaleur. Les seuls éléments qui apportaient un peu de vie à cet endroit étaient quelques dessins accrochés aux murs de tôle mais surtout les deux fauteuils dépareillés qui se tenaient côte-à-côte dans le fond de la pièce. Sur l'un d'eux, un vieux châle trônait. Il n'avait pas quitté son dossier depuis plus de 15 ans.

« La journée a été longue. Tu as besoin de manger. »

Cela aurait pu sembler bienveillant mais le ton tenait encore une fois plus de l'ordre que du conseil. Evelyne ne dit rien. Elle se contenta d'ôter ses protections et sa veste qu'elle accrocha à un clou au mur avant de se laver rapidement les mains dans une bassine. Sur la table, un panier les attendait. Nul doute que le général avait donné quelques consignes à la cuisine pour qu'on leur apporte de quoi manger. Elle attrapa deux assiettes, des couverts et des verres. Inutile de dire que tous avaient connu des jours meilleurs mais ils étaient encore utilisables. Ils étaient à l'image de tout ce qui se trouvait dans le camp, tant qu'on pouvait encore s'en servir, on l'utilisait jusqu'au bout.

Le duo restait silencieux. Une forme de calme avant la tempête. Evy se sentait horriblement nerveuse et savait que son état de fatigue ne lui permettrait pas de garder son calme si son père s'aventurait sur un terrain dangereux. Elle espérait qu'il se contenterait d'aborder des sujets lambda, voire de ne rien dire du tout. En ce moment, elle préférait encore son silence. Depuis quelques temps, il avait tendance à vouloir aborder des sujets qui la fâchaient particulièrement.

Extinction [terminé - en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant