Chapitre 2 : Conflit - Partie 2

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« Il faudrait que tu songes à te marier. Même si Joshua n'est qu'un ami, ce n'est pas très grave vu que vous vous entendez bien. Beaucoup de mariages commencent avec une très forte amitié qui peut se transformer en amour. Au moins tu pourrais avoir des enfants et quitter la garde. »

Et voilà ! On y était à ce sujet explosif qu'Evy refusait obstinément d'aborder. Les enfants. Depuis la mise en place de la loi S il y avait de cela plus de 15 ans, les enfants étaient devenus une priorité dans le camp au point qu'au tout début, le général avait interdit aux femmes de combattre sur la frontière extérieure. Le nombre de naissance ayant augmenté dans les années suivantes, la loi avait été assouplie et Evy, comme d'autres de ses amies, avaient pu intégrer la garde principale pour défendre le camp. Cependant, en cas de grossesse, les femmes devaient automatiquement quitter la garde et faire des activités internes au camp. Tout ce dont la fille du général n'avait aucune envie.

« Mais je ne tiens pas à quitter la garde. J'y suis très bien. Je suis un bon soldat et des snipers, il n'y en a pas tant que cela au camp. Si je partais, ce serait compliqué de me remplacer.

– Personne n'est irremplaçable, même les très bons soldats. »

Le regard brun se perdit dans la contemplation de sa soupe. Qu'est-ce qui lui faisait le plus de mal ? Savoir qu'elle n'était pas irremplaçable ? Ou se dire que son père ne semblait pas vraiment lui accorder de l'importance ? Elle ressentit soudain une profonde tristesse mais c'était probablement la fatigue qui la rendait plus sensible. Elle essaya de n'en rien montrer. Son père n'appréciait pas l'étalage des sentiments. Elle non plus d'ailleurs.

« Non, personne ne l'est. »

Elle faillit rajouter que lui non plus mais étrangement, elle se doutait qu'il lui répondrait que non, il n'était pas irremplaçable alors à quoi bon.

« Sauf maman. »

Elle n'avait pas pu se retenir. Il avait tort. Un soldat, oui, ça pouvait se remplacer mais pas un être humain. Franck avait une lourde tendance à réduire les gens à une simple fonction et à presque en oublier leur humanité. Un paradoxe pour celui qui se targuait de vouloir protéger l'humanité. Sa mère avait été un soldat. Elle avait été tuée au combat. Elle avait été remplacée. Mais la mère... la mère ne l'avait jamais été. La femme non plus. Même s'il n'en parlait jamais, le général s'était obstiné à garder sa chaise, son fauteuil. Rien dans leur maison n'avait changé depuis sa mort. Le châle dont Sarah s'était couverte les épaules le soir précédant sa mort demeurait sur le fauteuil depuis 15 ans. Ni sa fille et encore moins son mari ne l'avait ôté.

« Ta mère a fait son devoir. Elle est morte en brave. Si la loi avait été promulguée avant, elle serait encore en vie. »

Evy avait-elle décelé un semblant de regret dans les propos de son père ? Elle n'aurait pas pu le jurer. Son regard se mit à se promener dans la pièce, s'attardant sur tout ce qui restait de sa mère. S'il ne le disait pas, le général souffrait de sa mort. Elle lui manquait.

« C'est à cause d'elle cette loi ? C'est pour elle que tu l'as appelée Loi S... S pour Sarah ? »

C'était une question qu'elle s'était toujours posée mais elle n'avait jamais osé la poser jusque là. Le général ne répondit pas, préférant continuer simplement son repas. Le regard brun finit par se poser sur lui. Ses traits étaient toujours les mêmes. Aucun sentiment ne transparaissait. Cet homme était un vrai mur.

« Peu importe de toute façon. Je ne compte pas me marier que ce soit avec Josh ou qui que ce soit d'autre. »

Evy chercha à se reconcentrer sur son bol. Elle ne s'était pas mise en colère. Elle avait juste donné son point de vue. Son père le connaissait très bien déjà mais il ne cessait depuis quelques semaines de toujours revenir à cette histoire d'enfants. Le mariage, c'était juste un moyen détourné d'y revenir.

Extinction [terminé - en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant