Evy peina à se réveiller. Se recroquevillant sur elle, elle tira la couette par-dessus sa tête, essayant de profiter de quelques minutes de plus au chaud. Elle ne se rappelait même pas être allée se coucher. Cependant, sa conscience la tira rapidement de sa torpeur, la faisant se redresser brusquement dans son lit. Les pièces de puzzle s'assemblèrent alors et elle se rappela tout de l'endroit où elle était et de la raison de sa présence. Une brusque décharge d'adrénaline la fit trembler et rendit son souffle hiératique. La peur la saisit. Et si elle échouait. Si elle ne parvenait pas à remplir sa mission. Ce serait la fin de tout pour les siens.
Hier encore, elle ne réalisait pas pleinement son rôle. La brune avait fait ce qu'on attendait d'elle, apprenant ses leçons mais sans en mesurer l'importance. C'était comme d'être un simple spectateur dans sa propre existence. C'était ce qui se passait parfois dans les rêves que faisait la jeune femme. Elle se voyait parler et agir mais sans véritablement participer à l'action. Cela avait été la même chose la veille sauf que ce n'était pas un rêve et là, elle venait brusquement de se réveiller.
Aucun des entraînements ou des combats qu'elle avait pu subir n'avait jamais été aussi violent que le choc psychologique qui la frappait. Pour la première fois de son existence, elle eut envie de fuir, fuir ses responsabilités et son rôle dans toute cette histoire de fou. A la peur et à l'angoisse succéda la panique. Elle n'était pas capable de faire ce qu'on lui demandait. Elle ne pouvait pas.
Evy quitta rapidement le lit et avisa les chaussures bien sagement rangées au sol. Elle était encore toute habillée. Une chance. Elle perdrait moins de temps. Seul son cerveau primaire semblait encore fonctionner. Ses doigts tremblaient et eurent du mal à attacher ses lacets.Cela ne fit qu'accentuer son stress. Jamais, elle ne s'était retrouvée dans un tel état.
Alors qu'elle parvenait à vaincre les lacets de sa chaussure droite, la porte laissa passer l'androïde. Trop occupée à combattre sa seconde paire de lacets, Evy ne prit pas conscience de sa présence et encore moins de son visage qui affichait un profond étonnement.
« Evelyne... Vous allez bien ? »
Il était évident que ce n'était pas le cas. L'interpellée sursauta au son de la voix masculine. Elle jeta à peine un coup d'œil au nouveau venu avant de rapidement reporter son attention sur sa chaussure. Elle devait faire vite. Pestant contre les lacets qui refusaient de s'unir correctement, la brune finit par les rentrer grossièrement dans sa chaussure avant de se relever pour aller s'emparer de son manteau.
« Evelyne ?... Evy ? »
La combattante fit volte-face cette fois, le regard noir. Jusqu'à présent, la machine n'avait jamais usé de son surnom. Elle marcha jusqu'à lui, le pointant d'un doigt tremblant.
« Ne m'appelez pas comme ça ! »
Même sa voix tremblait mais elle ne s'en rendait pas compte. Elle avait détaché chaque mot comme une menace.
« Vous n'en avez pas le droit ! - elle abandonna la machine brusquement pour se diriger rapidement vers la porte – Je fous le camp ! »
Si Gabriel dit quelque chose, elle ne l'entendit pas. Ses oreilles bourdonnaient et elle ne voulait qu'une chose, quitter cet endroit et rejoindre les siens. Elle descendit l'escalier rapidement, voyant la porte de sortie comme son ultime Salut. Alors que celle-ci s'ouvrait, le cyborg lui barra le passage.
« Vous ne pouvez pas partir.
– Vous... Vous avez dit hier que je pouvais partir si je voulais et... et... je veux... partir... MAINTENANT ! »
Elle essaya de le contourner mais il ne la laissa pas faire, bloquant de plus belle le passage. La peur de la jeune femme se trouva renforcée par la colère.
« Vous m'avez menti ! J'avais raison de ne pas croire en vous. On ne peut pas faire confiance aux machines ! »
Elle essaya de nouveau de forcer le passage mais l'androïde ne bougea pas.
« Je ne vous ai pas menti. Vous pouvez partir mais cela entraînera la fin des vôtres, la fin de votre espèce ! Je vous en prie Evelyne. Je comprends votre peur mais...
– Comprendre ?! Je ne vois pas ce que vous pouvez comprendre. Vous n'êtes pas humain. Vous ne pouvez rien comprendre. Maintenant, si vous avez dit la vérité, laissez-moi passer bon sang ! »
Gabriel ne bougea pas renforçant un peu plus la colère de la combattante qui cherchait, coûte que coûte, à passer.
« Evelyne, si vous partez, votre camp sera détruit avant même que vous puissiez y retourner. Vous ne trouverez que des morts quand vous y arriverez. Mère considérera votre départ comme une démission. Elle n'aura besoin de rien de plus pour déclencher l'attaque finale sur les vôtres et personne n'y survivra. Ni Joshua, ni votre père.
– Les miens pourront résister. On survit depuis plus d'un siècle. On survivra encore ! »
L'esprit de la brune ne parvenait plus à raisonner de façon claire et logique. Elle était perdue entre ses craintes et ses certitudes.
Elle se sentit soudain saisie par les bras et complètement bloquée dans ses mouvements. Gabriel s'était toujours montré prévenant avec elle, jamais violent ou brutal. Evy n'avait aucune idée de la force qu'il pouvait avoir jusque là mais la pression qu'elle ressentait à cet instant lui faisait comprendre à quel point Gabriel n'était pas un humain. Il lui faisait mal. Elle était certaine qu'il aurait pu lui arracher les bras s'il le voulait.
« Vous me faites mal ! »
Gabriel se recula légèrement, visiblement surpris par sa remarque. Le regard bleu afficha un air désolé et contrit. Il ne la lâcha pas pour autant mais desserra légèrement sa prise.
« Je suis désolé. Je ne voulais pas vous faire mal. Même si vous ne me croyez pas, je comprends vos peurs et vos craintes. Elles sont légitimes mais vous ne pouvez pas vous offrir le luxe de paniquer. Si vous renoncez maintenant, vous ne vous le pardonnerez jamais. »
La voix masculine, calme et posée, parvint à atteindre la jeune femme. Le regard océan plongea dans celui de la jeune femme, ramenant un peu de sérénité en elle. Elle se détendit légèrement. Evy tenait plus que tout à revoir les siens et doutait fortement être capable d'affronter ce que l'IA avait prévu pour elle. Elle ne se sentait pas les épaules pour porter un tel espoir. Combattre faisait partie de son quotidien mais elle s'illustrait dans un domaine et un univers qu'elle connaissait, qu'elle maîtrisait. Ici, elle partait de zéro ou presque. Comment être à la hauteur quand on attendait autant de vous en si peu de temps.
« Je veux rentrer chez moi. »
Sa voix, si affirmée la plupart du temps, était devenue bien faible, tremblante à cet instant. Elle voulait revoir Josh. Elle avait besoin de lui. Ils étaient complémentaires et il saurait comment gérer la situation et surtout la gérer, elle. Il savait toujours comment la calmer, quoi lui dire pour l'encourager mais il n'était pas là.
« Je sais. Je sais que c'est difficile pour vous, très difficile et qu'on vous demande l'impossible mais, que vous le croyez ou non, vous en êtes capable. Vous étiez prête à affronter toutes les machines avec seulement quelques grenades, un pistolet et un couteau. C'était plutôt léger, non ? Pourtant, vous n'avez pas hésité. Vous saviez n'avoir quasiment aucune chance de vous en sortir mais vous y êtes allée quand même parce que vous saviez que c'était ce que vous deviez faire.
– Ce n'était pas pareil. Je n'étais pas seule.
– Vous n'êtes pas seule cette fois non plus. Je ne suis pas Joshua et je sais que vous ne me voyez toujours pas comme un allié mais je vous assure que je le suis. Je vous en prie, restez. »
La brune hocha négativement la tête. Non, elle voulait quitter cet endroit. Ici, tout ressemblait à une sorte de Paradis perdu mais elle préférait son camp. Elle voulait être avec les siens. Fermant les yeux, elle essaya de reprendre le contrôle d'elle-même. Les larmes se mirent alors à couler.
Les bras qui l'avaient bloquées vinrent alors l'entourer, la laissant s'épancher sur l'épaule du seul être qui semblait vouloir lui apporter son aide. Laissant son visage se poser sur l'épaule de Gabriel, la combattante n'était pas loin de fondre en sanglots.
« Comme c'est charmant. Un vrai petit couple. »
VOUS LISEZ
Extinction [terminé - en réécriture]
Science FictionEn 2163, la quasi totalité de l'humanité a disparu suite à l'affrontement contre les machines. Evelyne, avec quelques survivants, cherche à leur résister au sein la dernière cité existante. Aidée par Josh, son ami, et sous les ordres de son père, le...