Chapitre 21 : Verdict - Partie 1

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L'attente promettait d'être insupportable. A peine Mère s'était-elle éclipsée, qu'Evy s'était laissée choir au sol. Cette joute verbale lui avait pompé toute son énergie. Ce n'était pas son champ de bataille et elle se sentait particulièrement mauvaise, pas à sa place. Malheureusement, on ne lui avait pas laissé le choix et désormais, les dés étaient lancés.

Son binôme ne tarda pas à la rejoindre sur le sol froid. Elle aurait pensé qu'il aurait cherché à la relever mais il s'était contenté de suivre son exemple. Si le visage de l'androïde semblait impassible, Evy voyait bien les légères tensions et crispations qui constellaient sa peau. Les heures passées en sa compagnie lui avaient apprise à reconnaître ses légères variations.

Le calme du dôme, l'odeur des fleurs rendaient l'endroit paisible alors que la tempête battait son plein dans l'esprit de la brune. Et si elle avait échoué. Et si l'humanité trépassait à cause de son incompétence. Habile avec un fusil mais d'une grande médiocrité avec les mots et c'était elle qu'on était venu chercher.

« Pourquoi moi ? Tu aurais dû prendre quelqu'un d'autre.

– Tu sais pourquoi. »

Elle hocha sombrement la tête. Oui, elle savait. Le ton doux de l'androïde s'opposait à celui dur et froid de l'humaine. Elle ramena ses genoux contre elle, les entourant de ses bras.

« Tu es vraiment devenu très humain Gabriel. L'égoïsme fait partie de toi désormais. »

Égoïste, il l'avait été. Préférant sauver la femme qu'il aimait plutôt que de voir ce qui profiterait au groupe, c'est-à-dire un vrai orateur.

« Merci. »

Evy fronça les yeux avant de tourner son visage vers son acolyte. Ce dernier, à sa grande surprise, souriait. Une pointe de peine se lisait dans ses yeux bleus mais son sourire semblait supplanter tout le reste.

« Ce n'était pas un compliment ! ajouta-t-elle.

– Oh je le sais très bien, rassure-toi. Son sourire au lieu de s'effacer sembla prendre plus d'ampleur à cet instant. Je sais parfaitement que j'ai été égoïste en voulant te sauver toi à n'importe quel prix même si cela devait condamner le reste des tiens.

– Et ça te fait rire ! »

La posture abattue se transforma en une posture plus agressive. A genoux, les poings serrés, on aurait presque dit qu'elle voulait frapper Gabriel. Il se contenta de la regarder, le sourire toujours aux lèvres.

« Ce n'est certainement pas la réponse que tu attendais et pour toi, c'est une insulte et ça l'est, effectivement. Mais pour moi, cela prend aussi un autre sens. Tu as dit que j'étais comme un humain. Pour moi, c'est la plus belle chose qu'on puisse me dire - il l'observa un léger moment, son sourire s'effaçant légèrement - ou presque. »

La jeune femme se sentit déstabilisée et ses bras retombèrent le long de son corps alors qu'elle s'agenouilla de nouveau.

Gabriel avait passé son existence à voir les humains vivre, mourir, se battre, tenter de survivre. Il aimait cette humanité à laquelle il n'appartenait pas, à laquelle il n'appartiendrait jamais. Il l'aimait comme Mère pouvait l'aimer. A la différence de sa créatrice, lui, rêvait d'en être un. Aussi, le comparer à eux, même si c'était pour leurs mauvais côtés, il ne pouvait y voir qu'une forme de compliment et même d'accomplissement.

« Mère te l'a dit elle-même. Elle te voit plus comme un humain que comme une machine. Elle considère que tu comprends mieux l'esprit humain que n'importe qui. Elle comprit même. Il y a, je pense, des choses qu'elle ne pourra jamais vraiment comprendre. Toi, oui.

Extinction [terminé - en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant