Chapitre 9 : Renaissance - Part 1

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L'esprit d'Evy connaissait l'enfer. Les scènes se succédaient, toutes plus horribles les unes que les autres. Le sang et la mort étaient omniprésents. Elle voyait ses amis se battre, souffrir avant de mourir. Leurs corps avaient perdu leur intégrité. Les machines les avaient détruits.

La jeune femme se tenait au milieu du carnage. Les pieds ancrés dans le sol, elle ne parvenait pas à bouger. Elle criait mais personne ne semblait l'entendre. Elle cherchait à se dégager mais en vain. Son corps lui semblait incroyablement lourd. Chaque geste lui coûtait. Elle ne pouvait qu'assister, impuissante, au massacre de ses frères d'armes. Les larmes coulaient le long de ses joues.

« Evy ! Evy ! »

Elle aurait reconnu la voix de celui qui hurlait son nom parmi des milliers d'autres.

« Josh ! »

La militaire essayait de crier mais sa voix semblait s'évanouir dans les airs. Elle se figea alors que son regard sombre se posait sur son compagnon. Le jeune homme rampait sur le sol boueux. Sa jambe droite manquait, arrachée par une explosion. Couvert de sang et boue, agonisant, il continuait d'avancer, de ramper, de hurler son nom, la cherchant désespérément. Même aux portes de la mort, il essayait de la retrouver.

La jeune femme tomba à genoux, les mains sur la bouche, le visage inondé de larmes devant le spectacle d'horreur qui se déroulait devant ses yeux. Aucun son ne parvenait à sortir de sa gorge. Elle ferma les yeux, espérant que tout cela s'arrêterait. Elle ne voulait pas voir ça. Elle ne voulait pas voir la fin des siens, de ses amis, de son père, de Josh. Elle ne voulait pas.

Les appels incessants et emplis de douleur de Josh lui firent rouvrir les yeux. La scène n'avait rien perdu de son horreur. C'était même pire. Le feu balayait la plaine, brûlant tout sur son passage. Les flammes s'attaquaient aux murs de la frontière extérieure et il ne leur faudrait pas longtemps pour les franchir. Le camp allait brûler et, avec lui, tous ses occupants. Personne ne pouvait plus rien faire. Personne.

La fumée commençait à la faire tousser. Evy peinait à respirer. Elle se laissa aller sur le sol humide, cherchant un peu d'air frais. Son regard chercha une dernière fois Josh. Il ne criait plus son nom. Il n'était plus qu'un corps dévoré par les flammes. A quoi cela servait-il de lutter ? Sans lui, sans les siens, la lutte était vaine. Elle ferma une dernière fois les yeux. La mort était préférable. Une fois mort, on ne ressentait plus rien. C'était le vide, le néant. Elle ne souffrirait plus. Personne ne souffrirait plus. Elle ne voulait plus lutter.

Le temps avait suspendu son vol. L'inconscience s'était emparée d'elle et l'avait emportée loin de tout. Plus rien n'existait. Pourtant, dans le noir absolu qui entourait sa conscience, Evy sentit soudain une douce chaleur venir la réchauffer.

« Evy... Evy... »

Quelqu'un l'appelait. Une voix d'homme. Josh ? Il avait survécu. Il allait bien. Il voulait qu'elle revienne. La jeune femme reprit alors la lutte. Elle ne voulait pas rester seule dans le néant si Josh était en vie. Elle voulait être avec lui, près de lui. Luttant contre le néant, elle chercha à rejoindre son corps. Une lutte bien inégale mais qu'elle finit pourtant par remporter.

« Hummm... »

Dans sa semi-inconscience, ce fut sa propre voix qui la tira des limbes.

Je suis en vie ?!

Cette prise de conscience lui fit ouvrir les yeux. La lumière l'aveugla et elle les referma précipitamment, mettant instinctivement son bras sur ses yeux afin de diminuer la luminosité. Elle grommela de nouveau avant de brusquement se redresser. Elle venait de se rappeler le combat, les machines, Josh.

Ses yeux bruns s'écarquillèrent en voyant l'endroit où elle se trouvait, une grande pièce aux murs blancs. Une baie vitrée, qui faisait toute la largeur de la chambre, laissait passer les imposants rayons du soleil. Ce qui surpris le plus la jeune femme fut la végétation. De nombreuses plantes et fleurs tapissaient les lieux, habillant une grande partie des murs blancs. Loin d'être une végétation sauvage et invasive, elle semblait parfaitement organisée comme si quelqu'un l'avait consciencieusement plantée.

Un peu perdue, la brune porta alors son attention sur elle-même. Une chemise blanche recouvrait son corps. Un bandage immaculé protégeait son bras gauche, là où elle avait reçu une balle. Elle avait donc été soignée mais par qui ? Elle ne semblait pas avoir d'autres blessures hormis quelques égratignures et coupures. De plus, aucune entrave ne la retenait. Elle était totalement libre de ses mouvements. Quelque soit l'endroit où elle se trouvait, on ne cherchait pas à la garder prisonnière.

Son cœur battait la chamade. Elle tourna la tête observant tout ce qui l'entourait. Evy était désorientée. Elle ne savait pas où elle était et, surtout, cet endroit ne ressemblait à rien de ce qu'elle connaissait. Elle était habituée aux habitations délabrées, qui tenaient par habitude et parce qu'elles étaient constamment rafistolées. Cependant, ici tout semblait neuf comme si ce lieu n'avait rien connu de la guerre et de la fin du monde.

A l'opposée de la baie vitrée, elle vit un mur de métal mais ne remarqua aucune porte. Cette constatation lui fit froncer les sourcils. Comment aurait-elle pu arriver ici s'il n'y avait aucune porte ? A moins que la porte ne soit dissimulée. Elle allait devoir inspecter le mur de plus près pour s'en rendre compte. C'était peut-être pour ça qu'elle n'était pas attachée. Une porte verrouillée empêcherait n'importe qui de fuir.

Basculant prudemment ses jambes dans le vide, elle se laissa glisser de la table où elle reposait et frissonna en sentant le carrelage froid sous ses pieds nus. Elle n'entendait pas de bruit autour d'elle. Elle ne sentait que l'odeur délicate des fleurs. Un parfum frais et délicat. Elle croisa ses bras sur sa poitrine et fit prudemment un pas. C'était autant pour éviter de faire du bruit que pour vérifier qu'elle était apte à tenir debout. Dans les deux cas, ce fut une victoire. Pas de bruit autour d'elle et elle n'avait ni vertige, ni faiblesse quelconque. Elle allait étonnamment bien. Maintenant, elle devait découvrir où elle était.

Evy allait se rapprocher du mur quand soudain, il s'ouvrit. Le métal glissa silencieusement sur le sol laissant une ouverture de deux bons mètres. Elle n'eut pas eu le temps de s'en étonner qu'une boule de poils déboula dans la pièce et fonça droit sur elle. La brune recula rapidement, trop rapidement et finit par tomber sur les fesses alors que l'énorme masse lui arrivait dessus. Elle mit ses bras en avant pour se protéger.

Mais rien ne se passa. Écartant légèrement les bras, elle vit que la chose poilue s'était arrêtée près d'elle, la tête de côté, la langue pendante. Le truc se mit alors à crier la faisant sursauter. C'était étrange parce que ça lui rappelait quelque chose. Un dessin. Un livre pour enfants.

« Euh... ch... chien, chien... CHIEN ! »

C'était ça, c'était un chien ! L'animal aboya de nouveau comme pour confirmer la découverte d'Evy. Assit devant elle, la grosse boule de poils dorés semblait contente de la rencontrer et battait joyeusement de la queue.

Evy reprit son souffle et se calma en voyant que le canidé était tout sauf agressif. Elle se rendit compte qu'elle se retrouvait devant une espèce qui était censée avoir disparue depuis des décennies. A part dans des livres pour enfants, les chiens n'existaient plus depuis longtemps. Il y en avait eu un dans le camp, au tout début. Les anciens en parlaient parfois bien qu'ils ne l'aient jamais connu. Le chien faisait partie des victimes de la guerre contre les machines. C'était certainement la rencontre la plus improbable qui soit.

« Comment ça se fait que tu sois vivant ? Je croyais que les chiens avaient disparu. »

Pour toute réponse, l'animal aboya de nouveau ce qui la refit sursauter. Elle n'était pas du tout habituée à ce genre de cris. Pourtant, elle en avait entendu de toutes sortes mais quand c'était nouveau, cela surprenait toujours.

Evy regarda de nouveau autour d'elle avant de revenir sur le chien. D'autres humains auraient donc survécu. La jeune femme ne voyait pas d'autres explications possibles. Qui d'autre aurait pu construire cet endroit et sauvegarder cette race ? Le chien était le meilleur ami de l'homme. Enfin, c'était ce que disait le vieux livre d'images.

« Max ! Je me disais bien que tu étais ici ! »

Extinction [terminé - en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant