Cette fois, ce fut Joshua qui tiqua. Oui, ce n'était qu'une journée de plus mais quand même. Cinq jours de surveillance d'affilée, cela faisait quand même beaucoup. Habituellement, c'était deux ou trois jours maximum. Mais Evy avait raison, les pertes avaient été lourdes ces dernières semaines. Il fallait mettre les bouchées doubles pour protéger cet endroit.
« Et toi ? Ta jambe ? »
Evy préférait partir sur un sujet moins conflictuel. Ils avaient avancé de quelques places dans la file quand la brune posa ses yeux sur la jambe droite de son compagnon. Lui aussi avait fait les frais de la dernière bataille. Par chance, la balle avait traversé les chairs sans faire trop de dégâts. Le soldat avait pu quitter rapidement l'infirmerie à l'inverse de plusieurs de ses camarades. Autre coup de chance, il avait échappé à l'infection. Ce truc était un vrai fléau pour les blessés. Les médicaments étaient aussi rares et précieux que les balles. Ils étaient rationnés et malheureusement, certains y passaient faute d'antibiotiques. Josh lui adressa un clin d'œil avant de commencer à sautiller sur place en essayant d'exécuter une danse issue d'une autre temps.
« Vois par toi-même... Tu en penses quoi ? Je suis bon pour le service ! Avec un peu de chance, je devrais pouvoir te remplacer demain. »
La brune ne put s'empêcher de rire.
« C'est ça ! C'est beau de rêver. Si la doc avait pensé que tu étais pleinement remis, elle t'aurait déjà donné le feu vert et c'est pas le cas. »
L'homme grimaça avant de s'arrêter net. Même s'il n'en avait rien montré, la douleur était encore bien présente. Son mollet le faisait toujours souffrir tout comme ses nombreuses autres contusions. La blessure par balle était l'élément le plus visible mais il avait dégusté durant cette attaque. Même s'il avait du mal à se l'avouer, les gardes n'étaient pas encore à l'ordre du jour. Néanmoins, il pouvait s'estimer heureux d'avoir pu sortir de l'infirmerie et de vaquer à quelques tâches au sein du camp. Sans compter qu'il avait pu garder ses deux jambes et ça, c'était quand même une sacré chance.
Quelques minutes encore et ce fut au tour d'Evy d'atteindre le comptoir. Elle y déposa son fusil sniper, un de ceux qui étaient en bon état, après avoir retiré le chargeur. S'en suivirent les chargeurs de rechange et son casque. L'homme au comptoir s'empara de son listing.
« Evelyne Wright, sniper de la frontière extérieure zone Sud Ouest. Numéro de matricule 244. Un fusil sniper et huit balles : sept dans le chargeur et une dans la chambre. Quatre autres chargeurs tous pleins. »
L'homme vérifia soigneusement les informations. Chaque manque devait être dûment justifié sinon c'était trois tonnes de problèmes qui vous tombaient sur la tête. Le gestionnaire vérifia l'arme et enleva la cartouche de la chambre.
« Votre colt ?
– Je le garde. Je suis habilitée en tant que patrouilleuse. »
L'homme hocha la tête. Toujours les mêmes questions et, à moins d'une attaque, toujours les mêmes réponses.
« Parfait. Merci. »
Evy ne tarda pas à quitter le bâtiment. Sa journée était finie pour de bon. Elle allait pouvoir se détendre un peu même si sa seule envie était de rejoindre son lit. Elle s'étira et des gargouillis se firent entendre. Josh éclata de rire.
« Ah ben au moins, on sait ce qu'on fait maintenant. Direction le réfectoire ! »
Evy grimaça. L'idée de se retrouver dans la foule ne lui plaisait guère. Elle aurait préféré rentrer tranquillement chez elle mais elle était bien consciente qu'elle aurait un repas bien plus conséquent au réfectoire. L'estomac primait sur le sommeil et elle n'arriverait pas à dormir avec un estomac qui passait son temps à gargouiller.
« Ok, on y va et après dodo, je suis morte.
– Ah non, dis pas ça ! Tu sais que c'est tabou dans le coin. ça porte malheur. »
Evy sourit de nouveau à sa remarque. Josh avait plein de qualités mais c'était un irrémédiable superstitieux. Cela amusait toujours son amie. Si, quand ils étaient plus jeunes, elle s'amusait parfois à lui faire des tours, elle avait assez vite arrêté en voyant que le jeune homme prenait cela très à cœur. Evy secoua légèrement la tête, amusée. Il ne changerait jamais et c'était comme ça qu'elle l'aimait de toute façon.
Les deux jeunes gens se dirigèrent vers le réfectoire. Leur chemin était éclairé par de nombreuses ampoules accrochées aux différents bâtiments. Les générateurs n'étaient plus tout jeunes mais ils tenaient le coup. Ben, un des anciens de la maintenance, les bichonnaient comme s'ils s'agissaient de ses enfants. Il savait que ses bébés étaient indispensables notamment pour l'hiver. La brune faisait attention à ne pas avancer trop vite afin d'éviter que son compagnon ne force trop sur sa jambe. Même s'il avait pu reprendre le travail, il devait encore faire attention. Si ces fichues machines leur laissaient un peu de répit, les blessés auraient des périodes de convalescence plus longues mais c'était chose impossible.
Ils traversèrent la place centrale avant de rejoindre le bâtiment qui servait principalement aux repas communs. Parfois, il était dédié aux grandes réunions et aux annonces. Dans les cas extrêmes, il pouvait aussi servir d'hôpital d'urgence. Le froid se faisait de plus en plus mordant maintenant que la nuit était tombée. De la fumée blanche s'échappait de la bouche des jeunes gens. Evy avait hâte de rejoindre le réfectoire. C'était un lieu convivial et qui leur permettait de se réchauffer. Les plats servis étaient simples mais au moins c'était chaud et rassasiant.
« J'espère qu'on aura de la viande ce soir.
– Tu rêves ! On a déjà de la chance d'en avoir une fois par semaine et si je ne me trompe pas, c'était avant-hier. Donc tu feras ceinture ce soir.
– Y'a peut-être un piaf qui a déboulé cet après-midi et bam, pigeon rôti ce soir ! Non ?
– Non, navrée de détruire tes jolis rêves mais tu devras te contenter d'un bon potage et de pain. Dis-toi que c'est pas si mal. Y'a des hivers où on avait rien.
– C'est bon. Je sais bien et de toute façon, même si y'avait un piaf suicidaire, il aurait été gardé pour les blessés. Mince ! J'aurai dû rester encore un peu à l'infirmerie ! »
Ça c'était fort peu probable. Même blessé, Josh avait tendance à ne pas rester en place. A chaque fois qu'il avait été blessé, dès qu'il pouvait tenir debout, il quittait l'infirmerie pour retourner chez lui. La médic le savait d'ailleurs très bien et quelque part elle en profitait pour le faire sortir le plus vite possible. Evy savait que c'était par nécessité et que si la doc avait pu faire autrement, elle l'aurait fait. Mais c'était impossible faute de places, de médicaments et de soldats.
Alors qu'ils se plaçaient dans la queue pour rejoindre le réfectoire, une voix de stentor se fit entendre.
« Wright ! »
Tous les regards se tournèrent dans la direction de la voix avant de revenir se poser sur l'interpellée. Le général Wright se trouvait à quelques mètres d'eux et posait un regard acéré sur sa fille. Cette dernière savait très bien ce que son père attendait d'elle mais aurait préféré se soustraire à son autorité et passer la soirée avec son ami. Elle poussa un soupir avant de sortir de la foule et de rejoindre le colosse qui dirigeait la cité depuis de nombreuses années.
« Général.
– Nous dînerons ensemble ce soir. »
Sans attendre sa réponse, l'homme reprit sa marche. Evy soupira avant de jeter un regard à son compagnon qui écarta les bras en signe d'impuissance. La bonne humeur que Josh lui avait procuré commençait à fondre comme neige au soleil rien qu'à l'idée qu'elle allait devoir passer la soirée, ou au moins le dîner, avec son père. Malgré son désir d'aller à son encontre, la jeune femme lui emboîta le pas. Elle était trop habituée à suivre les ordres pour s'y soustraire. L'affrontement serait pour plus tard. Quand ils seraient seuls.
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Extinction [terminé - en réécriture]
Science FictionEn 2163, la quasi totalité de l'humanité a disparu suite à l'affrontement contre les machines. Evelyne, avec quelques survivants, cherche à leur résister au sein la dernière cité existante. Aidée par Josh, son ami, et sous les ordres de son père, le...