Quand Camille aperçut Dresden à la sortie du restaurant, une fois le service fini, elle ne l'évita pas. Cet homme voulait quelque chose d'elle, mais elle ignorait toujours sur quel pied danser. Car si d'un côté, elle voulait voir Dresden Asterios disparaitre, afin de pouvoir reprendre le cours de sa vie sans ressentir la violence de ce désir qu'il faisait naitre en elle, d'un autre côté, elle n'arrivait pas à se résoudre à le repousser, à renoncer à ce même désir qui lui promettait tant de plaisir partagé. Elle sentait qu'il pouvait y avoir autre chose, mais n'avait pas encore réussi à en évaluer la teneur.
Il fallait donc absolument qu'ils parlent. C'était une urgente évidence. Bien qu'elle eût préféré crever l'abcès le plus rapidement possible, et surtout sans avoir à monter dans une voiture avec un inconnu, elle se plia à son invitation quand il ouvrit la portière alors qu'elle s'avançait vers lui d'une manière résolue.
Elle était fatiguée de son service et n'était pas sûre d'avoir envie de la conversation qui s'annonçait, mais elle avait parfaitement conscience qu'elle ne parviendrait à rien sans cela. Il fallait donc qu'elle se montre forte et déterminée. Même en étant fatiguée.
Immédiatement après qu'il eut démarré, l'atmosphère de l'habitacle se chargea d'un silence lourd et pesant, qu'aucun des deux occupants ne vint briser. Sans le savoir, ils pensaient la même chose : Trop dangereux, dans un espace aussi réduit, de tenter de discuter sans succomber à l'attraction qui les liait.
Dresden s'arrêta dans une rue animée où la file d'attente pour le Forest, une boite de nuit à la mode, occupait une partie du trottoir. Aussitôt garé, il descendit en lui intimant de rester où elle était. Se méprenant sur son intention, - avait-il besoin de parler à quelqu'un ou de faire quelque chose avant de l'emmener dans un endroit plus tranquille pour discuter ?-, elle obéit sans rien dire.
En réalité, il avait fait le tour de la voiture pour lui ouvrir la portière comme si elle avait été incapable de le faire elle-même. Le côté chevalier servant l'amusa, mais elle n'en montra rien.
Dès qu'elle fut dehors, Camille remarqua aussitôt les personnes bien habillées et particulièrement intéressantes à regarder sur le trottoir d'en face. Elle ne se priva pas d'observer cette faune des plus agréables en pensant à la réaction de Lara si elle avait été là.
— Il y a quelque chose qui vous plaît, M. Dorville ? demanda Dresden d'une voix sèche en claquant un peu fort sa portière derrière elle.
Camille lui lança un regard incrédule. Il dardait un regard des plus menaçants sur la file. S'il avait pu incendier l'ensemble des personnes qui s'y trouvaient, il l'aurait fait. Il était jaloux ? Jaloux ? Voilà qui expliquerait bien des choses, et éclaircissait l'objectif de la discussion à venir.
Asterios ne voulait sans doute pas parler de ce qu'il avait fait dans la ruelle. Ni de mannequinat. Non. Pas franchement. Ou alors elle se trompait encore. Soudain mue par un goût du danger qu'elle ne se connaissait pas, - la fatigue, sans doute-, Camille ne put s'empêcher de jouer pour voir.
— En effet. Il y a quelques beaux spécimens qui...
Il la coupa en lui attrapant le coude d'un geste brusque, pour lui faire traverser la route. Le visage crispé, il desserra à peine les mâchoires pour jurer dans sa barbe... Camille ne put s'empêcher de sourire jusqu'à ce qu'elle réalise qu'il avait l'intention de la faire entrer dans la boite.
— Pas question ! lança-t-elle en s'arrêtant net à quelques mètres de la file, le forçant à se retourner.
— Pardon ?
— Je ne vais pas entrer là-dedans ! dit-elle en dégageant son coude.
— Et pourquoi pas ? C'est un...
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De notre sang
RomansaCamille est un être double. Par son prénom et son physique, elle brouille les pistes. Elle cache un lourd secret qui l'a forcée à être ce qu'elle est : indépendante et méfiante à l'excès. Sa rencontre avec un inconnu, aussi énervant qu'inquiétant, l...