21 / Première approche

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La conversation prenait une tournure étrange. À aucun moment Camille n'avait eu réellement peur d'Antoine. Il était, à la fois, rassurant et solaire. Ombrageux et profond. Un être plus complexe qu'il n'y paraissait. Il avait quoi ? 25 ans ? Peut-être un peu plus. Elle se souvenait vaguement de Lara lui disant qu'il était en dernière année de Master ou en thèse. Mais de quoi ? Qu'est-ce qui, chez elle, pouvait bien intéresser un type comme lui, si ça n'était pas pour la mettre dans son lit ? Et puis, que voulait-il dire avec cette dernière allusion ?

— Des broutilles ?

— Ce que j'ai dit à ton propos n'avait rien de négatif. « Une fille comme toi », c'est une fille qui a survécu dans l'une des pires cités de France. Une fille qui a surmonté des drames tout en réussissant à obtenir le bac avec mention « Très bien », et qui a obtenu une bourse pour la Sorbonne. Une fille qui à 19 ans, parle couramment plus de cinq langues, connaît plusieurs alphabets et survole ses études avec brio. Une fille à l'intelligence au-dessus de la moyenne qui pourrait nous être utile.

— Nous être utile ? répéta Camille inquiète qu'il sache autant de choses sur elle. Des choses dont elle n'avait jamais parlé à Lara, notamment « ces drames » qu'il venait d'évoquer. Comment sais-tu tout ça ? finit-elle avec un ton tranchant, en reculant d'un bon mètre.

— Finit de jouer, hein ?

— En effet. Qui es-tu et que me veux-tu ? Si c'est Roberto qui... commença Camille sur la défensive.

— Je ne connais pas Roberto personnellement, mais je connais d'autres monstres dans son genre, voire pires.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— Je pensais avoir cette conversation à la fin du week-end. Je comptais te préparer. Mais avec toi les plans ne se déroulent jamais comme prévu, n'est-ce pas ? Imprévisible et tranchante...

— Mais de quoi tu parles, bordel ?! lança-t-elle avec violence.

Quelque chose lui échappait. Quelque chose d'important. Antoine savait des choses sur elle. Antoine ne paraissait pas du tout être un étudiant lambda. Antoine était devenu inquiétant, et pas seulement à cause de son attitude à son égard, mais à cause de ce qu'il savait.

Camille sentit une panique sourdre de chaque recoin obscur de son esprit. Alors qu'elle était en plein air, elle se sentit brusquement aussi oppressée que dans les caves de son immeuble, le jour où Alfredo et son pote s'étaient attaqués à elle. Elle chercha des yeux quelque chose qui pourrait lui servir d'arme contre la menace que devenait Antoine.

— Tout va bien, Camille. Je ne te veux aucun mal. Bien au contraire. Je veux te protéger. Mais je ne peux pas t'expliquer maintenant. Pas ici. Je vais te ramener dans un environnement familier. Et je vais te donner un livre, Camille. J'aimerais que tu le lises attentivement. Ensuite, nous discuterons.

Camille fixait l'étudiant, encore plus stupéfaite que s'il lui était poussé une deuxième tête. Lui aussi voulait parler, mais ne le faisait pas ! C'était bon, là ! Elle en avait marre de tous ces mecs qui cherchaient à lui dire quelque chose, et finissait pas lui raconter des conneries !

— Qu'est-ce que c'est que ce délire ? commença-t-elle en reculant. C'est quoi le plan ?

— Pour le moment, il n'y a plus aucun plan.

— Pour le moment ? Tu ne connaîtrais pas un certain Dresden par hasard ? Vous recrutez pour une secte ! C'est ça ?

— Je n'imagine même pas comment ton cerveau en est arrivé à cette conclusion... mais non, je ne recrute pas pour une secte, et je ne connais pas de Dresden... C'est qui ce type ?

De notre sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant