17 / L'un chasse l'autre

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Ses affaires serrées contre elle, Camille courait. Le serveur était arrivé au moment où Asterios lui parlait de destinée. Elle avait profité de cette apparition pour fuir. Fuir le plus loin, et le plus vite possible. Elle avait bousculé des danseurs, un serveur, et plusieurs autres personnes, avant d'atteindre la porte. Elle ne se posait pas de questions. Elle voulait juste sortir d'ici ! C'est ce qu'il fallait absolument faire quand quelqu'un vous parlait de son désir comme du destin.

L'appel des corps n'était en rien un « destin », c'était juste une alchimie. Une alchimie contre laquelle il était tout à fait possible de se battre. Une alchimie que l'on pouvait mater, à laquelle on pouvait résister. Y mêler le destin, c'était vouloir y associer l'attraction des sentiments. C'était vouloir rendre tangible une envie charnelle de l'autre, lui donner une profondeur qu'il n'avait pas forcément vocation à avoir.

Camille faisait la différence depuis qu'elle était toute jeune. Parce que la mort, la détresse, la solitude l'avaient touchées très tôt sans lui laisser le choix, elle avait compartimenté et structuré sa pensée en formant des enceintes qui séparaient les choses de manière précise. Sans l'ombre d'un doute, la jeune femme faisait la différence entre intérêt et affection, entre désir et amour. Et si elle pouvait accepter le premier, elle n'était définitivement pas prête à s'abandonner au deuxième. Ou pas de cette façon, en le liant au « destin » ! Elle refusait de laisser à une notion aussi subjective que vague, la maitrise de ses sentiments.

Alors, elle fuyait. Il n'y aurait pas de discussion entre elle et ce Dresden Asterios. Il continuerait de croire que le « destin » les liait si ça lui chantait, mais il ne l'entrainerait pas dans son délire, ni dans son monde d'obscurité et de danger. Elle ferait taire son corps et trouverait un moyen d'éviter qu'il ne l'approche. Quitte à se trouver un autre job, et à faire intervenir la police s'il le fallait. Non ! Pas la police ! S'il persistait, elle lui dirait qu'elle était une femme. Ça devrait suffire à le calmer, ce con !

***

Dresden ne s'inquiéta pas immédiatement de la réaction de Camille. Cet endroit était à lui. C'était ses employés et ses hommes de mains. Chacun avait bien compris que le jeune homme entré avec lui, ne sortirait pas sans lui. Dresden suivit donc des yeux l'étudiant en fuite, en buvant une gorgée de ce qu'avait apporté Daniel, le barman. Puis, voyant que Camille atteignait le sas d'entrée, il posa son verre et se déplaça à une telle vitesse que personne ne remarqua son passage. Juste un courant d'air bienvenu dans cette chaleur étouffante. Il attrapa le bras de l'étudiant au moment où il atteignait la porte principale.

— Pourquoi fuir ? demanda-t-il alors calmement.

— Parce que vous êtes dingue ! lança Camille sans réfléchir en écartant son bras brutalement.

De toute façon, son esprit n'était plus capable d'aligner deux pensées cohérentes. Et ça ne s'arrangeait pas avec la distance qu'il venait de réduire entre eux. L'alchimie bordel ! L'alchimie qui échauffait son corps jusqu'entre ses jambes. Elle n'avait jamais autant désiré quelqu'un. Et ça la terrifiait.

— Camille ? dit alors quelqu'un derrière elle.

La jeune femme s'accrocha à cette voix qu'elle ne connaissait pas encore assez pour la reconnaître, mais qu'elle jugea amicale, bienveillante, inquiète. Elle se tourna vers son propriétaire avec reconnaissance et se statufia. Son esprit en ébullition se calma aussitôt, comme refroidi par une douche glacée. Qu'est-ce qu'il fichait ici, celui-là ?

— Antoine ? Je... Je croyais que tu étais au camp avec Lara ?! s'exclama Camille d'un ton tranchant, accusateur.

— Mon amie a voulu revenir plus tôt. Alors, je...

De notre sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant