Ce soir, il y avait moins de monde que Camille n'aurait espéré. Elle avait oublié que l'on était dimanche. Les gens sortaient moins ce soir de la semaine. Et pour cause ! La plupart allait bosser le lendemain. Il y avait donc quelques touristes et quelques étudiants, mais ça n'était pas la folie des grands soirs.
Camille choisit une table pas trop isolée, mais pas non plus trop près d'autres personnes. La conversation qu'elle allait avoir avec Antoine risquait d'être bizarre. Pas besoin de témoins auditifs. Juste une présence rassurante, cela suffisait. Une présence rassurante et une visibilité sur la rue.
Antoine arriva à peine une minute après elle. À croire qu'il attendait qu'elle s'installe pour arriver. Il s'assit avec assurance et la fixa en souriant après avoir lancé un « alors ? » empli d'une évidence que Camille était loin de comprendre.
— Alors quoi ?
— Tu n'as pas lu le livre ?
— Si. Mais je ne vois pas trop ce que je suis censée en comprendre.
— Tu l'as lu attentivement ?
— Oui. Putain ! Je l'ai lu attentivement ! J'ai trouvé les marque-pages et je ne vois pas où tu veux en venir. Ça t'écorcherait le cerveau de dire les choses simplement ?
Antoine s'adossa plus sérieusement à sa chaise en croisant les bras. Il semblait réfléchir. Doutait-il de sa capacité à intégrer leurs rangs ? Peut-être. Ça aurait facilité l'existence de Camille. Elle s'était attendue à devoir argumenter contre quelque chose qu'elle n'avait pas encore appréhendé. Si jamais Antoine renonçait à ses projets la concernant, elle pourrait passer à autre chose, ne se faderait plus, ni soirée poésie, ni week-end camping...
— Ce que tu as lu ne t'a pas interpellé ?
— Interpellé ? Dans quel sens ? Tu veux dire que j'aurais dû trouver des anomalies ? Excuse-moi, mais l'histoire antique n'est pas ma spécialité, et l'égyptologie encore moins. Alors la mythologie égyptienne... je n'ai que des notions peu étendues. Et puis, en quoi ça à voir avec moi, toi et toute ta petite bande ?
— Ma petite bande, comme tu appelles mes amis, et moi-même, nous sommes des descendants du héros de l'histoire finale.
Camille ouvrit des yeux ronds avant, finalement, d'éclater de rire. Que ce type, à l'allure de viking, lui dise de manière aussi franche qu'il était un descendant de héros égyptien, c'était la chose la plus drôle qu'elle ait jamais entendue. Elle savait que les conquérants du nord avaient frayé avec le Moyen-Orient et l'Asie en passant par le Dniepr. Mais il y avait des limites ! Ce mec racontait n'importe quoi ! Et elle, elle était manifestement issue de la longue lignée d'un antique empereur chinois, c'était évident !
— Oooookkkkk ! Soit tu es un grand comique, soit tu es vraiment atteint ! Mais tu as le mérite de m'avoir fait rire, alors je ne t'insulte pas et je ne me mets pas en colère. Tiens, je te rends le livre...finit-elle en lui tendant le paquet enveloppé de kraft.
Antoine ne le prit pas. Il demeurait les bras croisés sur la poitrine. Elle resta donc là, le bras tendu vers lui, tandis qu'il continuait à la fixer avec insistance.
— Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle ou d'incongru dans le fait que je sois apparenté à ce héros.
— Tu ne vois pas ? Je ne sais pas... ton apparence physique peut-être ? Tu as déjà vu un égyptien ou même un africain de près ? Parce que, tu vois, moi oui. Du moins certains de leurs descendants, et aucun n'était blond aux yeux bleus. Sans compter qu'aucun d'entre eux ne venait fanfaronner sur de potentielles origines héroïques...
— Je ne fanfaronne pas. Bien au contraire. Ce que je viens de te révéler est un secret.
— Ouahhh... Trop honorée... Merci. Mais non merci ! Allez, j'y vais ! J'ai cours demain, dit-elle en posant le livre sur la table.
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De notre sang
RomanceCamille est un être double. Par son prénom et son physique, elle brouille les pistes. Elle cache un lourd secret qui l'a forcée à être ce qu'elle est : indépendante et méfiante à l'excès. Sa rencontre avec un inconnu, aussi énervant qu'inquiétant, l...